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Au commencement il y a la recherche, l’envie de défricher, de couper à la machette les plantes grimpantes, les gourmands se goinfrant sur les pieds donneurs de fruits. Il y a progressivement une route qui se construit, que l’on aime à emprunter en compagnie d’autres gens, des lecteurs, jusqu’à ce que celle ci finisse par s’engorger et perdre de son charme, devenant aussi laide que la proximité d’une zone commerciale. Alors on reprend la machette, on redessine une portion, et comme Sisyphe, inlassablement les même bonheurs entrainent les mêmes actions, ces actions le même résultat, la déception, ou plutôt l’impression de faire fausse route, faire au sens premier.

On s’interroge, on se demande si cette quête n’est pas aussi vaine que la recherche de la vie éternelle. On pense raccrocher la machette, on prend bien soin de d’attacher le cercle de cuir fixé au manche à un clou, comme un vestige de sa vie passée. On bouquine les fenêtres ouvertes, on essaye de comprendre des films qui jonchent le sol de nos oublies passés. On sent la brise entrée dans la pièce, on pense à un nouveau souffle, puis à une chose exaspérante voulant nous distraire, celle ci faisant bouger cette machette fixée au mur. On se retourne. La machette alors nous projette un rayon de soleil, comme voulant tout à la fois nous hypnotiser et nous guider.

On se lève. On reprend la machette, on pose les livres, coupe le film, et direction le dehors, machette à la main. Face à cette nouvelle route à tracer, nous coupons les gourmands, définitivement la plante à éradiquer. Au moment de mettre le terrain à nue, nous regardons les plantes grimpantes, les fougères géantes, les liserons aux arabesques fantasques. Nous rangeons alors notre machette, nous avançons tant bien que mal, heureux presque de ne croiser personne, et surtout d’avoir l’impression de connaître enfin la signification du mot aventure. Nous nous disons alors qu’il n’y a pas de quête possible sans découverte, sans surprise nouvelle, sans cadeau d’un ciel béni.

11 chansons. 11 Songs, voilà le cadeau qui couronne des années d’une recherche qui n’a consisté qu’à mettre des routes propres sous des véhicules aux chemins tracés. 11 Songs de Mesdames (quel nom de groupe !!!) n’est pas un arbre cachant une forêt, c’est une forêt que nous prendrons soin de ne jamais baliser, mais d’ailleurs pourquoi penser de suite à l’impossible. 11 songs est intraduisible en mot, mais ce qu’il procure l’est tout aussi. 11 songs est une plante qui n’a pas la génétique figée, elle pousse comme elle a envie, offrant des fleurs, des fruits, donnant, donnant……

C’est une sorte de My Bloody Valentine qui fricoterait avec Young Marble Giants dans une soirée organisé dans la maison de campagne de Sentridoh (phrase à l’attention de la confrérie des poseurs d’étiquettes).

Faire naitre des émotions après chaque notes, jouant avec notre épiderme, prenant l’instant d’avant à rebrousse poil semble être une des innombrables lignes de fuite de Mesdames On ne sent pas le désir d’épater, encore moins une volonté calculatrice, au contraire, 11 songs est une cure de bonheur, d’instantanés, comme des offrandes qui plairont ou pas, mais qui sont offertes avec un cœur énorme dont les battements accompagnent l’ensemble des titres. Les touches du clavier qui dansent, virevoltent, sont comme des gamins insolant et attachant qui traverseraient les rues d’un village en éloignant les habitants de la banalité de la vie.

« Any One Else » par exemple est un hymne improbable de cette année, et pourquoi pas d’une vie de chroniqueur à la machette trop facile. Il y a quelque chose d’adolescent, de libérateur, de totalement bordelique, purgeant nos à priori, décoinçant nos corsets, donnant l’envie de brailler notre joie, notre plaisir de la vie, oubliant tout, dans cette forêt dont la reine est une chanteuse aux facettes et aux dons multiples.

J’ai beau cherché je n’ai pas trouvé, l’impression d’avoir la chance d’être pour le moment perdu au milieu d’une forêt luxuriante, parachuté dans un rêve éveillé à la rencontre d’une musique qui semble oublier toutes les règles, les us et coutumes d’un art qui fini par mourir à petit feu de son uniformisation et de ses laboratoires de génétique. Mesdames est une sublime anomalie, une découverte étonnante et touchante à la fois.

La musique de Mesdames n’est pas une révolution, mais elle est un acte libérateur et artistique rare, une passion sauvage.




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