On ne peut pas rester indifférent à la musique que fabrique Satellite Jockey. L’on peut ne pas aimer, on a même le droit de détester, pour un peu que l’on soit réticent aux synthés, au refrain boostés par des choeurs, à l’atmosphère eighties qui transpire par les pores de la peau de la formation Lyonnaise. Mais force est de constater une chose : il y a du talent, de la cohérence et un sens certain de l’esthétique chez ces petits mecs et cette petite meuf. Un goût prononcé pour l’onirisme, l’évasion, la mélancolie froide et l’envie de tout faire sauter, tout ça mélangé : Falling, leur nouveau disque, est une véritable claque pour celui qui se laisse embarquer à bord de leur vaisseau sonore que l’on croirait taillé pour se taper un trip sur des aurores boréales.
L’on pourrait, pour étayer ces propos hautement subjectifs, s’atteler à une critique titre part titre, et c’est d’ailleurs ce que j’ai voulu faire au départ. Car ce qui frappe instantanément l’auditeur, à la fin de la première écoute, en plus de la manière dont est matérialisée la basse (jamais trop évidente mais toujours ce qu’il faut de présence, ronde comme une voix rassurante), c’est la diversité des morceaux et la force de frappe de chacun d’eux. Si certains titres se dégagent clairement du reste par leur construction plus pop et leurs refrains entêtants (Skylight, Life Science, Falling Into You), tous ont un rôle à jouer, aucun d’eux ne peut être mis de côté. Pour autant, tenter de les détacher les uns des autres reviendrait à les dénaturer, et avec eux tout l’album, de la même manière qu’essayer d’analyser tel ou tel recoin d’un tableau de Monet est certes nécessaire à l’intransigeant conservateur de musée, mais risque de ne faire voir au visiteur qu’un simple amas de coups de pinceaux dont la richesse se situe en fait dans l’assemblage des uns avec les autres. Une si grande phrase comparative qui essaie de se la jouer, tout ça pour dire qu’il n’y a rien à jeter dans les onzes titres qui composent Falling.
De la pop, il y en a dans cet album. Un peu, beaucoup, passionnément, mais jamais à la folie. Des nappes de claviers, on en retrouve pas mal, bien réparties ça et là et pompeuses. Des boucles qui tournent sur elles-mêmes jusqu’à devenir obsédantes, aussi (A Poisoned Arrow, Falling). Des héritages divers et variés, assimilés, mâchés, digérés, recrachés avec classe, on en relève énormément. L’on ne jouera cependant pas au sempiternel jeu des influences car, même si la facilité de l’exercice est tentant, il serait ici bien trop réducteur. La musique de Satellite Jockey leur est propre, à la fois naïve et dopée à l’envie d’en découdre. C’est sans doute ça qui laisse un sentiment étrange, une fois que l’album se finit. Comme si la bulle dans laquelle on était lové jusqu’ici venait subitement d’éclater. On ne s’était pas aperçu que tout était devenu si cotonneux, si agréable, si limpide, ça s’était passé en douceur. Mais une fois que la parenthèse se referme, on ne peut pas s’empêcher de trouver qu’on était quand même bien calé, peinard, dans le vaisseau de Satellite Jockey, à sillonner les aurores boréales.