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Certains disques recèlent une telle beauté que l’on hésite parfois à en parler. Peur que les mots ne soient pas à la hauteur des subtilités entendues. Peur de mal traduire la finesse de l’ouvrage. « Archipel », deuxième album de Peau, appartient à cette catégorie.

Mené par Perrine Faillet, Peau ressemble à son nom : musique qui évoque l’étreinte de deux corps amoureux dans la langueur et la passion du vertige érotique sentimental (écouter les délicates paroles d’« A Demi Nue »). Mais Peau renvoi également à une idée de nudité, c’est-à-dire, dans le cas présent, à des chansons où chaque instrument et sonorité possèdent une raison d’être, sans habillage superflu, sans ajout anodin. Musique déshabillée mais toujours pudique. Ce qui expliquerait pourquoi le silence est la grande affaire d’« Archipel » : synthés, guitares et chant dessinent ici les contours d’une musique qui prend le temps de respirer, qui accepte le blanc et le souffle entre deux notes (entre deux râles ?). Il y a du Mark Hollis chez Perrine Faillet : cette capacité à faire résonner l’instrumentation tout en donnant la sensation, pour l’auditeur, de se trouver dans la pièce où ces chansons furent enregistrées.

Majoritairement électronique (quelques guitares, comme sur l’assez « Violator » « Europeana », ajoutent parfois un aspect bluesy à l’ensemble), Peau appartient à la catégorie des artistes têtes-chercheuses, à ces mathématiciens qui, avec une méticulosité exemplaire, permettent à la musique électronique de faire de grandes enjambées. On pense à Autechre, à Leila, à une Fever Ray en moins gothique, parfois même au Radiohead de « Kid A » (« Il Dit » pourrait être la chanson que Thom Yorke se révèle incapable d’imaginer depuis « Amnesiac »).

Le chant (en français) de Perrine est un atout de choc. Murmurée, chuchotée, cette voix incite au paisible, à la libération des idées noires et à une quiétude retrouvée. En fait, les dix titres d’« Archipel » ne s’éloignent guère de la berceuse ; d’une berceuse pour adultes toujours un peu enfants, en l’occurrence.

Il y a enfin un univers très imagé (voir les clips du groupe, splendides). Perrine Faillet a certes fait des études d’Arts du Spectacle, mais, dans son écriture musicale, elle n’impose jamais ce qui bloque certains ex étudiants de Censier : un égo tellement affirmé que cherchant à vouloir tout clarifier, tout expliciter, tout dire et tout montrer. Avec Peau, Perrine a bien conscience qu’il faut laisser à l’auditeur le droit, le privilège même, de s’inventer un film intime, de se laisser happer par la musique et de créer ses propres images (comme le suggèrent les douze minutes instrumentales du génialement hypnotique « Avalanche » - non, rien à voir avec Leonard Cohen).

Grand disque addictif, sensoriel mais ouvert au monde, « Archipel » va récolter une unanimité parfaitement méritée (l’inverse étonnerait beaucoup)…




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