La Belgique m’était connue pour sa scène rock et ses excellents groupes : Deus, Ghinzu, Soulwax, Girls in Hawaii, pour ne citer qu’eux. Eh bien voila qu’un groupe post-rock talentueux, et dont les compos évoquent bien plus que le style précité, débarque sans crier gare et affiche, malgré son jeune âge, une maturité et un savoir-faire impressionnants. L’album débute sur un " My Clothes Don’t Fit Me No More " aux six-cordes trépidantes, aux sonorités claires mais au tempo appuyé, qui rappelent ce qu’a pu faire, au début des années 90, un groupe comme Welcome To Julian sur son premier album " Never So Close ". Le rythme et l’intensité montent en puissance pour finalement engendrer une concrétion sonore entre noisy-pop et shoegaze énervé, les guitares sur la fin du morceau évoquant Ride ; on a connu bien pire comme influence ! Après cette entrée en matière extrêmement prometteuse se profile " Goodbye The Sky ", qui voit une certaine quiétude caractéristique du post-rock prendre les commandes. Les guitares claires bâtissent une trame sonore captivante, puis la batterie, changeante dans ses humeurs, fait monter brièvement la sauce, le morceau retombant ensuite dans cette sérénité initiale, et s’achevant sur ces accords de guitare qui laissent l’auditeur rêveur…et charmé. " Play " sort celui-ci de sa délicieuse torpeur pour hausser quelque peu le rythme et là, un groupe du début des années 80 me vient à l’esprit : ce sont les Anglais de Thousand Yard Stare qui, notamment sur leur album " Fair To Middling ", alternaient les ambiances avec le même bonheur. Cecilia ::Eyes utilise ce procédé avec la même réussite, ce que confirment " The Airscrew/parts 1 and 2 " et sa version chantée. Le premier se confine dans une ambiance post-rock apaisée et envoûtante puis plus énervée par la suite, et le second, qui voit l’apparition du chant absolument délicieux de Johanne Lovera, special guest sur cet album , reprend le même thème, la voix angélique de Johanne donnant une ampleur et une envergure non négligeables à ce morceau magnifique, qu’il soit chanté ou pas. Entre ces deux versions, un " One Million Whales " encore une fois captivant de par l’ambiance qu’il impose, entre rêverie, atmosphère cotonneuse et intensité toute en retenue, une intensité qu’on sent sur le point d’exploser mais que le groupe bride superbement. Un album de grande classe donc, et un background musical divers et varié idéalement exploité par Cecilia ::Eyes, qui, partant d’univers sonores différents, parvient à faire l’amalgame de ceux-ci et à créer des atmosphères passionnantes, aussi brumeuses qu’orageuses, faisant défiler dans nos pensées et dans nos écoutilles plus de dix ans de rock indé, du courant noisy et shoegaze des années 90 aux références post-rock actuelles. Superbe album donc, et un groupe à surveiller de très près. Celui-ci prétend sur son site qu’il peut éventuellement " rêver " quant à la suite de sa carrière ; eh bien avec des albums de cette trempe, ce rêve lui est largement permis .