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Cheville ouvrière du label brestois L’Église de la Petite Folie, dont il est en grande partie l’architecte sonore, John Trap avait au printemps dernier - conjointement avec l’illustre Delgado Jones - fait parler la poudre sur l’album The Eye(s) : nous en disions en ces pages le plus grand bien. De quoi enluminer une année riche en disques merveilleux, mais il y a que le multi-instrumentiste, désormais basé au Huelgoat, ne pouvait clore 2023 sans nous offrir un opus solo, son septième, enregistré dans les Monts d’Arrée qui lui sont si chers. Ainsi, après Cinéma, paru en 2021 et nourri par son amour pour les images qui bougent et qui parlent, John Trap fronce les sourcils, affûte ses accords mineurs et s’attaque à l’un des sujets les plus anciens, universels et révoltants qui soient, la pauvreté, trou noir socio-économique aspirant les bonnes volontés, quand bien même il est évident que les puissants ont tout intérêt à maintenir le statu quo – s’enrichir au détriment de personne, ce serait moins rigolo, non ? En douze titres aux textes frontaux ou absurdes ou poétiques (ou les trois à la fois), intégralement chantés en français, une première pour le finistérien, John Trap et ses acolytes (ooTi, Jade Lucas, Camille Marotte, Montaine Martin, Per Tallec et, bien entendu, Delgado Jones) délivrent une électro pop mutante, balayant un spectre sonore large, de l’indus-kraut (Pauvre recense ce que les démunis ne peuvent s’offrir : des dents, des lunettes, des vacances et de la nourriture saine) au funk morose (Du Lait et son final psychédélique), du hip-hop cheap mâtiné de gospel (Donnez-lui) au disco-punk fou (Amour et Tempête), tout passe, concassé, fragmenté, réparé, au tamis de la sensibilité d’un auteur qui, album après album, creuse son sillon bariolé et sait néanmoins se renouveler, faisant de Pauvre une œuvre particulièrement touchante. En plein cœur, l’ami.