Parmi différentes qualités, Young Michelin puis Aline détiennent la particularité d’avoir accompagné une parcelle de nos vies adultes. À une époque pas si lointaine où il semblait encore jouissif, bien qu’un peu puéril, de s’agenouiller devant l’écurie Sarah Records et ses succédanés, avant de volontairement virer de bord par crainte de finir apothicaire des souvenirs adolescents, sauf pour les Smiths. Young Michelin / Aline, belle vertu, ont bizarrement coïncidé avec des émotions qui détenaient en elles-mêmes la nostalgie du présent, comme si l’éclat du moment paraissait trop magique pour ne pas le voir un jour disparaître sans regret ni amertume. Le groupe mené par Romain Guerret l’avait peut-être également senti, puisque cette histoire n’aura duré que le temps d’une poignée de singles (dont l’hymne des cœurs brisés Elle m’oubliera et l’épicurien Je bois et puis je danse) et de deux albums aux parfums dorénavant proustiens (surtout le premier, Regarde le ciel).

Et sans doute était-ce ainsi bien : à trop vouloir s’accrocher aux existences et refuser de nous voir passer à autre chose, de nombreuses formations finissent obsolètes à nos yeux, brisant sans le vouloir l’attachement masochiste que nous leur portions. Entendre Young Michelin / Aline ressurgir des limbes, quand bien même il s’agit de neuf titres inédits extirpés d’un autre monde, permet de mesurer ce qui pourrait éventuellement rester d’une période dorénavant proche du fantomatique.

Sur un mode Daho / Gamine (guère une surprise à voir le groupe reprendre Tombé pour la France), Romain Guerret et ses acolytes respirent ici l’adulescence qui part à vitesse grand V. Musique de verres en cristal qui se fendillent au ralenti, saisie dans cette collection d’inédits à un moment où tout concourt à lui injecter de l’assurance, de l’auto-parodie, et même une légitime attitude faussement crâneuse. Afin que l’étape Peter Pan se consume un lendemain de fête plutôt que de finir minable sur un lit de mort. Il est vrai qu’à l’instar de Lucie Vacarme ayant donné naissance à Diabologum, Young Michelin a enfanté Aline. Certains témoignages détiennent une logique qui nous les rend attachants.