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Dans cette grande maison dont les murs s’ouvrent aux quatre vents,aux plafonds étoilées et aux bruits étranges comme des battements de coeur, sur une table, il y a un étrange chapeau... Au mur, des squelettes souriants qui hantent l’espace... Des arbres vivants dont les branches s’égarent en promenades sinueuses...Des mangeurs de ciel qui viennent faire taire leur soif au profond des rivières...

John Trap convoque les créatures de nos rêves de gamins dans ce double "1983" qui vient clore la trilogie autour de "Star wars". On retrouve le même goût pour une enfance souriante et bricolée que chez son ami et confrère de label avec qui il travaille souvent, Arnaud Le Gouefflec... D’ailleurs, à Brest "mêm..." ne dit-on pas que quand on voit le gars Trap, le gars Le Gouefflec n’est pas loin...

L’univers du morlaisien comme celui du brestois est de ces moments de bascule, d’entre-chats sur des entre-deux, de ces albums qui avancent masqués.

Comme cela, présenté sur le papier, "1983" consacré à Star Wars peut ressembler à un caprice d’adolescent attardé en mode Geek à boutons d’acné mais est-ce par élégance, par modestie, par pudeur que ce nouvel album de John Trap se farde d’une légereté et d’un superficiel d’apparence pour mieux cacher ses trésors d’inventivité comme sur le titre qui donne son nom à l’album...

Vous penserez parfois (Souvent) à un Sparklehorse qui accepterait d’être aveuglé par le soleil ("I’m so happy to wake up").

C’est le territoire de l’enfance qui hante la musique de John Trap, comme ces enfants qui s’amusent à se faire peur en appelant les esprits avec leur Ouija... Chaque titre de "1983" est comme le souhait exaucé d’un bambin à l’imagination débridée... Tiens et si on allait faire un tour du côté du refuge de Willis près de la jungle aux dinosaures...

Au même titre que quand on parle de John Trap, Arnaud le Gouefflec n’est jamais très loin, c’est pareil pour Ooti comme sur l’étrange et aventureux "What Did I See".

"I don’t think we’re in love", c’est un peu The Cure période "Seventeen Seconds" en version Lo Fi avec ce sourire toujours mêlé de mélancolie. Avec "Such a disgrace" ou "The Way we take", rappelons combien John Trap est un metteur en scène d’atmosphère, de métaphores sonores. "1983", c’est aussi un album de frontières à franchir mais des barrières symboliques ou intimes où les visages fondent dans des érosions futiles et innéluctables ("Faces Are Melting"). "Je suis sensible et j’éponge les non-dits et les mensonges je garde tout et je gonfle"

Et puis il y a des instants d’épure comme "My Brother", chanson sans doute très personnelle pour son auteur quand "Flying Skulls" cherche à faire ressentir l’enchantement ressenti face à un spectacle de Bartabas. Ce nouvel album est une œuvre verticale bien plantée dans la terre qui vous replongera dans les époques des hommes volants. "Stuck" sera de ces morceaux comme un aimant pour le fer, parfait équilibre maîtrisé de grâce et de frisson éperdu, une merveille !!! "The rats" vous égarera dans des rythmes tribaux tortueux de delirium tremens quand l’interlude "Enge" voudra vous apaiser... Retour aux squelettes qui dansent et s’ébrouent sensuellement ("Music with your bones"). La musique de John Trap, c’est toujours des instantanés de la vie quotidienne qui basculent, qui dérapent dans l’étrange, dans le fantastique ("Don’t push me in the water"), dans l’oppressant souriant ("I will strike from hell") mais il y a toujours ces moments d’apaisement ("Let’s make a movie") où les voix se font murmures ou de souvenirs d’échos éparpillés...

Le morlaisien John Trap nous tourneboule et nous met les sens à l’Ouest. Avec "1983", il serait tant de clamer haut et fort combien l’Eglise de la petite folie, ce label ou plus exactement ce collectif d’artistes est l’affirmation d’une liberté créative sans limite... Citons Ched Helias, Chapi Chapo, Arnaud Le Gouefflec, artiste prolixe et toujours pertinent et ce "1983" en forme d’apothéose de John Trap....

http://www.johntrap.net

www.eglisedelapetitefolie.com/‎