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Comment ne pas être immédiatement séduit(e) par le premier titre de cet album de Fabien Martin, « Mémos Vocaux » ? Comment ne pas craquer sur les confidences nostalgiques mises en musique sur une bande-son made in nos années 80 chéries (qui ont pourtant produit ET Stéphane Collaro et Lagaf’) ?

Fabien Martin en enregistre - comme certain(e)s d’entre nous - de ces fameux « mémos » : là il se rappelle le numéro du fixe de ses parents (perso j’appelle parfois le fixe de mon grand-père et vous ?), là les souvenirs glanés lors de balades dans Paris, ici les trucs à ne surtout pas oublier d’acheter. La fonction même du « mémo » donc.

Comment donc fait Fabien Martin pour nous émouvoir en nous confiant, essoufflé : « et là je remonte la rue des Pyrénées à pied, et ça me rappelle un truc que j’ai vécu y a un an (…) » ? Zut nous aussi, ça nous fait une petite piqûre au coeur du coup.

Plus on avance dans l’écoute de l’album (c’est le quatrième que Fabien sort) plus on partage de sentiments avec cet auteur qui n’en produit pourtant pas des tonnes. Comment expliquer cette proximité, cette amitié que l’on imagine possible entre Fabien Martin et le public ?

Ce qui est sûr c’est que les mélodies y sont pour beaucoup : si le charme opère, c’est comme dans un conte. Un coup de baguette magique (ici ce sont certaines basses eighties, des claviers « vague-à-l’âme » et la batterie pareil). Alors, je suis évidemment Docteure en musicologie sinon j’écrirais pas pour ADA (en ce moment je suis en train de bosser sur la pertinence du triolet dans la musique baroque au deuxième trimestre de l’année 1729 - ça parle donc beaucoup de Rameau bien sûr).

Donc oui, la batterie sur Je ne Fais que Marcher dans la Montagne. Sèche, pas trente-six effets - pas modeste non plus, - mais sèche comme (attention les références vont tomber vous êtes prêt(e)s ?) sur certaines chansons de l’année 1988 en particulier : Pet Shop Boys, Wet Wet Wet, Art Mengo (« Les Amours de sa vie ») Sandy (« J’ai Faim de toi ») ou Blues Trottoir « Un Soir de pluie »).

N’ayant noté ici que les quelques titres que moi j’adorais gamine, vous noterez que je vous parle la langue du TOP 50. Sans doute serez-vous assez sensibles et assez bienveillants pour lire dans ces références - et surtout en découvrant cet album sorti voici quelques jours - un hommage touchant à une époque révolue, celle pendant laquelle nous devions (âge oblige, peu d’entre nous sortions alors en boîte… quoique) nous contenter d’entendre, de fredonner ces chansons, d’en découvrir les clips émoustillants sur je ne sais laquelle des cinq chaînes de la télé publique.

Un titre avec en featuring Jil Caplan. Eh ouais ! Je n’invente rien. Il l’a fait ! Et nous public de nous en réjouir et de nous dire « Tiens ? Ça me rappelle plein de choses, elle s’appelait comment déjà cette chanson ? ».

Au fil des écoutes, l’album de Fabien Martin - fiesta au Café de la Danse, à Paris, le 9 janvier 2024 - nous touche quelque part. Nous sommes devenus ces parents que les nôtres furent. Parents vieillis, parents séparés, parents en garde alternée, parents qui s’ennuient, parents qui s’engueulent, parents qui regardent la télé, beaux-parents parfois.

De la variété, de la pop music comme on en écoutait alors sans pour autant contrôler nos petites existences d’ados. Fabien Martin relève le défi haut la main. Il est en effet très très doux de se (re)plonger dans des harmonies et arrangements maintenant que nous avons pleinement le contrôle de nos vies (je plaisante).

Grâce à Je ne fais que marcher dans la montagne, on renoue avec notre moi d’avant. « Comment devenir qui je suis » dit une de ses chansons. Oui, comment s’y retrouver, en effet, dans ce champ de bataille que peut devenir la vie lorsqu’on a rompu ? Quand on avait douze ans les projets c’était slows à gogo, balades en amoureux sur la plage (main dans la main avec Glenn Medeiros, normal). C’est vraiment intrigant, mais des titres comme « Dans ma Boîte Noire » interprété avec Ours, rappellent ce sentiment adolescent de frustration d’antan : frustration des sens mais aussi de l’imaginaire. Délicieuse frustration, promesse de satisfaction ultérieure de désirs, la musique de Fabien Martin nous parle de ça, aussi.

Que font les adultes de leurs vies ? À quoi passent-ils leurs journées tandis que les jeunes se sentent si mal et si transparents ? Eh bien le temps de nous le demander et le réel est déjà là, qui sait appuyer là où ça fait mal, là où ça vit. Le coup de maître de Fabien Martin réside dans cette union du texte à la mélodie : évoquer une boucle qui jamais ne se rompt, elle ; celle d’un cycle immuable, parfois douloureux et néanmoins nécessaire, celui de la vie. Nous lui souhaitons une vie de musicien la plus fructueuse possible, le plus tôt possible.




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