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En 2023, qui s’intéresse encore aux Smashing Pumpkins, quatuor chicagoan ayant atteint - au mitant des années 90 - les sommets, avec l’inévitable et roboratif double album Mellon Collie and the Infinite Sadness, et qui depuis traîne, comme un boulet, les ambitions démesurées de William Patrick Corgan, son bien nébuleux maestro ?

Certes, Siamese Dream – pour lequel j’ai une certaine affection, puisqu’il accompagnait à l’époque nos virées véhiculées vers les discothèques les plus reculées du Finistère – contenait en germe la grandiloquence des disques suivants, mais la production à la fois lisse (les guitares électriques supposées exprimer la rage, mais inoffensives, car trop propres, comme chez Garbage ou Placebo) et boursouflée (le souffle n’est pas la respiration, la respiration est profonde) aura eu raison de mon maigre intérêt.

Et c’est ainsi que, très distraitement, j’ai tendu une oreille molle aux Adore, Machina/The Machines of God et autres Zeitgeist, suivi les remaniements au sein du groupe (le départ de la bassiste D’arcy Wretzky, le passage éclair de Melissa Auf der Maur, les retours en grâce du guitariste James Iha et du batteur Jimmy Chamberlin) et les déambulations de Billy Corgan (son investissement financier dans la National Wrestling Alliance, apparition sur un ring de catch, armé d’une guitare folk, à l’appui ; le lancement d’un site Internet gloubi-boulga spirituel – le type croit aux extra-terrestres ; sa liaison tumultueuse avec Courtney Love ; l’ouverture d’une maison de thé à Ravinia ; la collaboration avec Scorpions, etc.), dont le timbre de voix, qui n’a par ailleurs pas changé, est toujours aussi insupportable.

Le douzième disque des Smashing Pumpkins, publié sur Martha’s Music – label fondé par Billy Corgan himself – se présente comme un opéra rock en trois actes, parus séparément entre septembre 2022 et mai 2023. Sachant qu’il y a onze titres par acte, auxquels s’ajoutent, dans l’édition finale, dix titres supplémentaires, me voilà avec sur les bras 43 morceaux d’un groupe qui au mieux – et c’était il y a une trentaine d’années – ne servait que de toile de fond aux soirées alcoolisées de mon inénarrable jeunesse bretonne.

Purge en vue ? Challenge relevé, l’indifférence la plus totale, du moins en France, entourant Atum : A Rock Opera in Three Act, agissant comme un aiguillon dans l’esprit masochiste de votre serviteur : 138 minutes durant, nous suivrons les pérégrinations du désormais nommé – et plus âgé – Shiny, croisé auparavant dans Zero et Glass, un rockeur has been exilé dans l’espace à cause de pensées non conformes, qui revient sur terre, suscitant le bonheur de ses zélés admirateurs et l’intérêt d’une classe dirigeante soucieuse d’en faire un de ses pions.

Pour appréhender les tenants et aboutissants de Atum : A Rock Opera in Three Act, il faudra lire entre les lignes, tant la narration est absconse et volontairement elliptique, au point de tendre vers une abstraction politico-métaphysique qui n’a de conceptuelle que la syntaxe hasardeuse de son auteur, puisque - musicalement - on reste dans un registre balisé, en l’occurrence du bon gros dad rock 2.0 stérile taillé pour les stades, auréolé de soli rugissants, de claviers MIDI saccadés joués à un doigt, de couches sonores gluantes empilées jusqu’à l’écœurement et, surtout, de cette fameuse signature vocale nasillarde dont la fausse rage épuisera les plus aguerris d’entre nous. En résumé, le dernier Smashing Pumpkins, à l’instar des navets produits à la chaîne par Marvel, vous boxe la tronche dans tous les sens pendant un temps qui vous semble infini, à l’issue duquel vous ressortez les neurones en vrac.

Certains d’entre vous savent qu’il m’arrive de chroniquer un album sans pour autant l’écouter en entier, voire en ne l’écoutant pas du tout. Et donc je vais sans ambages répondre à la question qui vous brûle les lèvres : oui, je me suis tapé l’intégralité de Atum : A Rock Opera in Three Act, mais non, pas d’un trait, trop difficile. Bien entendu, tout n’est pas à jeter, notamment certains riffs de guitare, Smashing Pumpkinsiens en diable, et le jeu volontariste du batteur Jimmy Chamberlin, dont la carrière a longtemps pâti de ses addictions diverses et variées. Tenez, comme je suis généreux, je vous livre la liste des morceaux supportables : Neophyte.

Oui, c’est tout. Mais ça fait sens, comme disent les intellectuels paumés du 21ème siècle : à l’issue de l’enregistrement de cet interminable douzième album, Billy Corgan a déclaré qu’il prévoyait un retour aux sources, plus pop et plus concis, pour retrouver l’essence de Siamese Dream. Mouais, quand on se souvient des Smashing Pumpkins époque Gish (1991, album inaugural bavard et anecdotique), on a en tête les fringues de hippies et les coupes de cheveux que le quatuor arborait, et on se dit que néophyte ou pas, les défauts d’aujourd’hui s’étalaient déjà sous nos yeux.

A la sueur de mes oreilles déconfites, je viens de vous faire économiser 138 précieuses minutes, qui ne reviendront jamais, alors s’il vous plaît, fructifiez-les (masturbation, course à pied ou jardinage) et soutenez les petits groupes qui jouent en bas de chez vous, ils ont bien plus besoin de nous que les mastodontes inutiles qui s’entêtent à subsister dans un écosystème à bout de souffle (mais qui respire encore).




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