Franchement, il y a des soirs où ma vie de chroniqueur m’accable. Je scrute la liste des disques à écouter et je vois que depuis des semaines personne ne veut chroniquer ce disque à la pochette hideuse, qui est sorti en octobre dernier : aucun de mes confrères hexagonaux ne s’y est collé, saloperie de stipendiaires libidineux concentrés sur les cajoleries folk moutonnières de filles à frange grasse et à papa périmé, alors je me dis que mon compte est bon, je vais suer à grosses gouttes, du crâne jusqu’à la raie des fesses, mais comme j’ai une bière à la main et 40 autres dans le réfrigérateur, je ne risque pas grand-chose, hormis l’ennui, sachant que ce sera un court ennui, un ennui court, un ennui de six titres, six titres ennuyeux aux noms sans saveur, et si vous voulez tout savoir, FIM est l’acronyme de fédération internationale de motocyclisme, de fédération des industries mécaniques mais aussi de la foire internationale de Metz (Metz, international, ah ah).
Nan, en vrai, ça veut dire : Fuck, I missed . Bon, les amis, je ne vais pas tourner autour du pot : avec « FIM », Joyeria envoie du lourd, du bon gros lourd, du super bon gros lourd direct from the 90s.
Imaginez le phantasme : la décontraction névrosée de Silver Jews (« Wild Joy »), le fun mélancolique et acéré de Pavement (« Colour Film »), la diction de David Gedge, le minimalisme d’Arab Strap (« Death »), des mélodies addictives sur deux accords avec une pincée de synthpop new wave (« Performance Review »), du piano ascendant Satie lo-fi (« Decisions ») et, pour clore des débats qui n’auront pas lieu, de l’électro cheap kraut-rock entre Suicide et LCD Soundsystem, tout ça chanté d’une voix grave subtile et jamais frimeuse.
Et donc the question is : c’est qui le mec derrière un alias qui exprime peu, une pochette abominable et un EP aussi jouissif, qui s’écoute en boucle ?
J’ai quarante bières pour trouver (donc une heure ou deux) tant Internet me renseigne peu, hormis le fait qu’il s’agit d’un canadien installé à London, qui a deux followers sur Soundclound, cite en interview Sly And The Family Stone tout autant que Gary Stewart et Philip Glass, et a croisé la route de Dan Carey à l’époque où Joyeria n’était encore que Joy Eria, le fameux Dan Carey produisant, sur son label Speedy Wunderground créé en 2013, cet étincelant « FIM » qui appellera certainement un fookin’ album de haute volée.
Et donc et donc et donc, je suis incapable de répondre à la question que je (me) pose, et en toute humilité j’abdique : le mystère persistera jusqu’à la révélation, je n’ai aucun doute là-dessus, et à ADA on sera aux premiers rangs pour recevoir la bénédiction indie 90s d’un Joyeria particulièrement enthousiasmant.