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Certains objets nous suivent toute notre vie, nous les conservons sans trop savoir pourquoi, d’un déménagement l’autre, de métamorphoses en bilans contrastés, dans la lumière tombante parfois ils s’illustrent au détour d’un regard distrait, d’une prise de conscience impromptue, d’un monologue intérieur stérile, jusqu’à que leur essence nous rappelle à quel point le temps passe vite. Il en va ainsi de cette photographie en noir et blanc qui illustre la pochette du nouvel album de Michael Wookey : de l’adolescence à l’âge d’homme, de murs en murs, de Londres à Paris, 22 années durant elle a accompagné le natif de Southampton dans ses pérégrinations – premières chansons à l’âge de 15 ans, orchestre de toy-pianos, albums enregistrés avec l’aide des Hiddentracks, participation au projet Contrebrassens et musique de film (« Brochet, comme le poisson ») : cette belle maturité infuse un « Truelove $ Day » de haute volée, enregistré avec l’aide de Peter Lyons (Peter and Kerry), qui saura laisser toute latitude aux respirations d’un album mélancolique et sans fioritures.

Dès les premières mesures de « First Time Caller », la voix saisissante de Michael Wookey, suave à souhait, mais sans esbroufe, entre Jeff Buckley et Chris Garneau, se déploie avec grâce sur une magnifique ballade soul hantée, que l’on voudrait ne jamais voir se terminer. Tout au long des onze titres de « Truelove $ Day », ce guide à la main si douce nous mènera de climats vaporeux en chansons plus enlevées, telle ce « Scarecrow » minimalistiquement new-wave, qui rappelle à quel point The The nous manque. Si le mood est bleu, bleu entre chien et loup, ce nouvel album irradie un bien-être manifeste : peut-être est-ce l’amour retrouvé (« Get Gone »), peut-être est-ce la paix avec le passé (« My Handsome Father »), peut-être est-ce la perspective d’aller à la rencontre d’un public sevré de beauté psychédélique (« Show Me What You Got »), que sans nul doute « Truelove $ Day » saura nourrir, ne serait-ce que parce que le mini-tube « Can I Keep You » va cet hiver squatter les ondes radio de vos cœurs attendris – tant d’aisance mérite une récompense !