Les goûts, les préférences, les habitudes… A-prioris que tout cela. A-prioris, et donc, jugements hâtifs, dédain, rencontres qui ne se font pas. Regrettable… Et pourtant, il est bien difficile face à la kyrielle de sorties d’ouvrir grand les bras et d’être sur d’accueillir chacun comme il le mérite. C’est là que les labels ont un rôle à jouer. Il n’aura échappé à personne que We Are Unique Records est le label de mon projet personnel. Exigeant et ouvert, il m’a attiré en tant que musicien comme il m’attirait en tant qu’auditeur. Difficile avec un tel label (comme avec quelques autres chers à mon coeur) de se limiter à nos habitudes d’écoute, même si elles ratissent plutôt large, sans avoir conscience que l’on risque de passer à coté de quelque chose à chaque sortie.
Il en est ainsi de « submarine dreams », l’album de l’anglais Mickael Wookey. Les musiques qui se raccrochent à une forme de théatralité ne n’attirent pas, le cabaret dévoyé d’un Tom Waits ne me touche pas vraiment sauf exceptions (« soldiers things » et quelques autres) et j’ai toujours autre chose à écouter au moment de poser ses disques sur la platine… J’ai quand même écouté ce « Submarine Dreams », parce qu’il est sorti chez WAUR, et aussi en sachant que les excellents Hiddentracks étaient de la partie. Je suis immédiatement tombé sous le charme. La voix (timbre, ton, placement) m’a séduit en premier. L’ambiance, ensuite, envoutante, qui tient autant de l’enregistrement en studio que de la performance : Michael Wookey a rassemblé une bonne partie des Hiddentracks dans une grange, suivant en cela les préceptes délocalisateurs qu’Angil leur avait appliqués lors de l’enregistrement hors les murs de « Now », au Grand Lux.
Mais le jeu a ici été poussé plus loin car ce ne sont pas les parties individuelles qui ont été enregistrées puis additionnées pour créer le disque, ce sont les musiciens tous ensemble, dans leur espace. Le travail de prise de son s’apparente un peu à une création acousmatique voire à un documentaire. Le résultat est saisissant et donne le sentiment d’être « sur place », parmi les musiciens, dans la même pièce. L’écoute est riche en surprises et l’ambiance qui est créée est unique. Les chansons, enfin et surtout, sont mélancoliques, désabusées, douloureuses parfois mais avec un détachement presque enfantin. « Flap », merveille de balade qui clotûre l’album, en résume toute la teneur : noirceur du thème, délicatesse de la production, légèreté du résultat.
« Submarine Dreams » est un magnifique album, réussi de bout en bout, présenté dans un digipack richement illustré propice à la rêverie : à vous d’ouvrir grand les bras pour l’accueillir comme il le mérite.