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Même si les sommets ont été atteints il y a bien longtemps par Godspeed You ! Black Emperor et Mogwaï, le post-rock reste un genre hautement qualitatif, dans le sens où ses codes - modulation des climats, chant en retrait, quête de (dis)harmonie - réduisent la probabilité de produire un album médiocre. Au pire, un mauvais disque de post-rock ne sera que moyen, et certains groupes – à l’instar d’Explosions in the Sky – parviennent, en se contentant de remplir le cahier des charges, à faire des carrières honorables.

Sachant par avance que l’on ne révolutionnera rien, pourquoi se lancer dans un tel registre ? Il y a que le post-rock est de la musique pour musiciens : vous n’imaginez pas le plaisir que l’on peut ressentir dans une cave à se laisser porter par les tempêtes atmosphériques qui naissent sous nos doigts, suivre une ligne floue jusqu’à son aboutissement, puis une autre, et ainsi de suite, le son nous guide et nous déplace le long de nos émotions.

Mais le post-rock n’est pas qu’autisme, il est également partage, et en live il fait des merveilles. Egos en retrait, public et musiciens se mettent au diapason, on retrouve cette transe collective dans la musique électronique, cet oubli de soi, cette sensation de ne faire qu’un, ce voyage immobile, oui, les concerts de post-rock sont souvent excellents – pour ma part, souvenir ému de Mono à Cergy dans les années 2000, je m’étais fait arracher les oreilles, mais que c’était bon !!!

"Ensimismado" , en huit plages puissantes et accrocheuses, attaque les sommets du post-rock par son versant shoegaze & slowcore, parti-pris tout à fait pertinent, mission accomplie : le quatuor nantais Cheever, composé d’anciens membres de Known As Numbers et ChooChooShoesShoot, délivre un premier album en forme de mariage (très réussi) entre Slowdive et Slint, où les chœurs de Marie-Laure et Émilie - ajout tardif lors de la production du disque - s’intègrent avec bonheur.

L’ensimismado, c’est le regard tourné vers le dehors, qui scrute en réalité le dedans, comme quand on a les yeux dans le vide, on fixe un point que l’on ne voit pas, on est là sans être vraiment là et, à ce titre, la musique de Cheever favorise un état infra-contemplatif, qui se prolonge une fois l’écoute terminée : d’emblée, le groupe place la barre très haute, on a hâte d’entendre la suite.




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