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Les derniers mois ont eu, entre autres, un effet troublant sur nos attentes. L’emballement émotionnel que suscite la simple perspective d’aller boire un café avec un pote, se faire une toile ou sourire en remerciant bêtement la personne qui distribue les flyers à l’entrée d’une salle de concert étant en ce mois de janvier 2021 de nature à me faire monter les larmes au yeux, autant dire que lorsque le paquet de la DeustchePost s’est retrouvé là, posé, devant la platine, j’avais 4 ans.

Depuis août dernier, l’annonce du retour aux affaires de The Notwist après 6 ans d’absence accompagné du EP Ship en vaisseau éclaireur, avait d’entrée imposer ce nouvel album comme une des plus grosses attentes musicales de 2021.

Ce qui émerge, et ce dès la première écoute de Vertigo Days, c’est la double impression presque antagoniste de dynamique perpétuelle, légèrement erratique et de parfaite continuité, d’une unicité et d’une cohérence folle.

Cela tient en partie au fait que le disque (et c’est assez rare à l’heure du formatage du hit qui doit impacter l’auditeur au cœur d’un flux numérique en moins de 15s pour espérer survivre) s’écoute d’un trait : l’ouverture instrumentale Al Norte lance une rythmique tribale et un écho de voix captivant semblant provenir d’une autre dimension et invite ainsi immédiatement à l’immersion totale vers la suite du disque.

A plusieurs reprises, d’autres morceaux instrumentaux, courts (Ghost, *stars*) assureront cette fonction projective vers les morceaux plus longs et chantés tout en recelant des merveilles de micro-hybridations sonores et d’arrangements finement ciselés dont les frères Acher et Cico Beck ont le secret. Ce soin, cette attention aux détails se retrouvera à chaque transition d’un titre à l’autre dont celle entre Into The Ice Age et Oh Sweet Fire est une des plus belles entendues depuis longtemps.

Ce sentiment d’ensemble cohérent, pensé, construit, étant encore accentué dans la manière dont le premier et le dernier morceau chanté Into Love / Stars et Into Love Again, tous les deux sublimes, se répondent, sur le même texte, tout en offrant à celui-ci un soutien musicale basculant d’un parti pris en énergie progressive à une forme d’apaisement que la voix de Zayaendo incarne à merveille. Une forme d’oulipo sonore n’incitant qu’à remettre la face A sur la platine dans l’instant.

Au cœur de cette boucle infinie, ce qui frappe cette fois encore, c’est la manière dont le groupe, envoie bouler toute tentative d’associer de manière définitive leur musique à un style, un genre. Il est fort probable que, au delà de la curiosité naturelle de ses membres, l’ouverture vers leurs projets parallèles au cours des années (Spirit Fest, Lali Puna, 13&God…) a clairement nourri et enrichi le fil directeur de leurs compositions depuis Shrink en 1998 qui contenait, sous une forme plus brute, nombres des influences ici portées à un niveau de maîtrise vertigineux. La liste des invités sur le disque en est une preuve évidente (Saya de Tenniscoats, Ben LaMar Gay, le clarinettiste Angel Bat Dawid, Juana Molina) rendant la structure même du groupe plus ouverte que jamais.

De l’énergie brute, noisy-rock de Exit Strategy To Myself et Al Sur, dont on n’ose à peine imaginer du potentiel scénique, aux aspirations dansantes krautrock de Ship, en passant par une électro pop euphorisante sur Where You Find Me et totalement lumineuse sur Sans Soleil, jusqu’aux mélancoliques et sublimes balades intimistes telle Loose Ends qui mettent en valeur comme jamais la voix de Markus, le spectre sonore et émotif est immense et semble presque infini.

Cette dynamique, ce mouvement perpétuel entre les genres et les influences se retrouve aussi au sein d’un même morceau et notamment au cœur du disque sur Into The Ice Age à travers sa bifurcation jazzy finale qui se prolonge dans l’ouverture du fabuleux et totalement addictif Oh Sweet Fire.

Avec Vertigo Days, The Notwist confirme son statut de groupe à part, au dessus, tellement au dessus qu’il est possible de se demander si ils vivent encore sur la même planète que nous…probablement pas en fait, et on peut difficilement leur en vouloir à bien y réfléchir.

Tant qu’ils pensent à repasser de temps en temps par ici essaimer leurs étincelles sonores et émotionnelles, çà me va. D’ici là, les larmes qui coulent à chaque écoute de Night‘s Too Dark auront peut-être séché.

Ou pas.

Pas grave.

Chef D’œuvre.

A Découvrir Absolument.




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