C’est un spécimen rare que ce Odessey & Oracle. Déjà, car le groupe à l’écoute de « Crocorama » semble être composé d’un nombre suffisant de membres pour composer une équipe de rugby, alors qu’en définitive, ils ne sont que trois. Ensuite, car il pioche dans le psychédélisme anglais et américains (n’oublions pas que le nom du groupe vient du nom du troisième album de The Zombies) pour composer une pop dite baroque. Mais ce spécimen est ancré dans son époque, posant un regard pince sans rire sur une société qui manque cruellement d’espérance tout en se croyant au sommet de ce que la communauté humaine a pu produire. En mélangeant instrumentation et répertoire anciens (viole de gambe, violoncelle baroque, flûtes anciennes…) avec un contrepoint contemporain et électronique (pianos électro-mécaniques, dobro, banjo, synthés analogiques…). il joue avec l’anachronisme entre les sujets et la musique, faisant même de « Ferdinand l’Albigeois » l’un des titres les plus modernes. Grinçant sur « Mélodie #2 » avec laquelle le trio pourrait reprendre prochainement le titre de Dominique A « les chanteurs sont mes amis », élaborant des minis scénarios (Chercher Maman) qui pourraient être mis en image par le Bruno Dumont du Jeannette, lui-même jouant le jeu de l’anachronisme musical, le trio sait surtout dégommer les us et coutumes de la société moderne, tourner en ridicule la dérive de nos démocraties (« Antoine Rouge » ), la société de consommation, nous mettant face à notre passivité face à tout ce qui nous conditionne à participer à cet enfer que nous pensons être le nouveau paradis (« Crocorama » chanson à scander dans les prochaines manifestations anti-capitalistes). Ces chansons sont des bouquets de fleurs colorées, que vous ne pourrez pas prendre en pleines mains sous peine de voir celles-ci griffées par de grosses épines, car Odessey & Oracle a la candeur maline, l’humour noir sous une marqueterie brillante et impeccable. « Crocorama  » disque fantasque et grinçant.