Et s’il devait n’en rester qu’un, ce serait lui. Lui qui dans cet écosystème dérégulé, dépeuplé, ravagé, continue à avancer, loin du dictat de la nouvelle fausse démocratie musicale aux règles fascisantes. Lui qui dans son univers ne croise plus grand monde a qui parler, mais qui entamera toujours le dialogue, pas par prosélytisme, non, juste une façon de se nourrir de l’échange, même si celui qui fera face ne gardera rien, obstinément ancré dans une croyance obsédante et lénifiante. Lui qui saura jongler, ses mains n’étant pas occupées à la distraction punitive tueuse de temps, mais à la création, à l’arabesque, à la torture pour les obsédés du Tetris mental qui veulent que les carrés et les rectangles s’alignent, là où lui mettra des ronds et des triangles, juste pour que l’édifice en étant bancal se sente en vie et pas endormi dans la certitude d’une géométrie parfaite. Lui qui ne pensera pas avec un coup d’avance, mais préférera s’attarder, scruter, contempler, ne laissant rien sur la route, tout pouvant nourrir un appétit de la découverte, de la recherche sans ce soucier de la peine perdue quand l’échec est là, quand la route était fausse, car on apprend aussi des défaites, même si ici le mot est banni, juste l’apanage des esprits gagneurs, les loosers du bonheur. Lui s’est Feu Robertson qui nous revient avec un cinquième album en dix ans. Un album enregistré en cinq heures, piochant dans son expérience pour mieux expérimenter. Avec une liberté totale, le quatuor, sculpte des œuvres sonores, ne revenant pas totalement sur ses pas d’une façon académique, mélangeant tout ce qui fait depuis dix ans la singularité d’un groupe avec une fraîcheur réjouissante. Feu Robertson n’a jamais fait le pas de côté pour s’éloigner de tout, il a juste fait celui-ci pour se rapprocher de lui, sans chercher à se démarquer pour le geste, mais pour la liberté. Une certaine idée du rock n’est donc pas morte, elle est vivace, elle se cache involontairement, mais son âme si puissante reprendra le dessus sur la froideur de ce qui prolifère, faisant germer nous l’espérons des créateurs libres. Feu Robertson, groupe à la géométrie invariablement dépourvue des théorèmes castrateurs. Liberté chérie.