L’histoire de Rome Buyce Night n’est pas banale. Déjà, par sa durée, car le groupe qui au démarrage était un duo, se transformant en trio pour finir en quatuor a déjà 20 ans de carrière derrière lui, même si le mot carrière semble ici être une aberration, car un groupe comme celui-ci ne fait pas cela en pensant se payer une résidence secondaire dans les Baléares, mais plutôt à se frayer un chemin digne dans une musique qui aura souvent pactiser avec un diable qui s’appelle l’opportunisme.
Huitième album du groupe, « Aether » est un disque frontal, direct, enregistré dans ce sens, dans l’urgence du temps possible, sous le joug de l’indisponibilité, de la rencontre difficile. Le son est le premier signe de cette urgence, râpeux, griffant l’air rendant les ondes visibles. L’album, à l’image de la pochette (réalisée par Gustave Doré) semble nous promettre de quitter une terre entre diables et anges pour un ailleurs lumineux, mais dans lequel nous pourrions nous bruler. Alors pour conjurer une possible malédiction, le groupe n’utilise pas des images pieuses, mais s’abreuve dans un surréalisme déclamé ou scandé, comme si les êtres d’un ailleurs imaginaires pouvaient traduire et enlever nos peurs. L’autre arme est sonore, la stridence est ici un fil d’ariane brûlant (« Braizilia » ). Elle accompagne un synthé, véritable ordonnateur d’un climat inhérent aux grands périples que l’on imagine volontiers sans retour. Si la rigidité sonore ne laisse pas de place à la chaleur d’un son dénaturé, « Aether » reste un disque brûlant tant son inconfort rend sa progression encore plus épique, car c’est bien là l’intérêt d’un disque qui trouve sa consistance dans une forme d’héroïsme. Aux frontières du réel.