C’est une alliance qui s’impose. D’un coté Trrma, duo composé de Gionanni Tadisco aux percussions et Giuseppe Candiano aux synthetizers ; de l’autre CHARLEMAGNE PALESTINE artiste visuel et compositeur américain. Entre le duo italien et l’artiste contemporain, il ne semble pas y avoir l’ombre de l’épaisseur d’un papier à cigarette. La symbiose entre les univers respectifs est quasiment parfaite, et réclame de la part de l’auditeur une disponibilité de tous les instants.
Celui-ci est confronté ici à une énigme, celle de trouver ce qui sera son fil à suivre pour ne pas se perdre définitivement. Car face à ces deux segments enregistrés à Bari, il ne faut pas chercher une pierre de rosette, il faut juste palper le moment, glisser sur le clavier d’un piano qui semble caractériser une inquiétude face aux atmosphères multiples et parfois inquiétantes.
Le son du duo créé autour des pièces du piano une forme d’oppression, obligeant les touches de celui-ci d’instaurer un rapport de force certes perdu d’avance, mais terreau d’une émulation fertile. Le silence, partie intégrante de ces deux segments est une respiration rare mais salvatrice, permettant entre les deux de changer de tonalité, de nous offrir comme un basculement de cap, donnant aux ondes, même les moins perceptibles, le rôle de couverture sonore en dessous de laquelle une verticale sculpture sonore pourra prendre forme. Bande son idéal d’un voyage intérieur, accompagnement évidant d’une exposition dans laquelle des formes géométriques se rencontreraient comme les astres peuvent le faire dans un ciel comme une toile nue, "Segment 2" est comme une longue incantation dans une langue nous paraissant inconnue, mais pourtant pas si lointaine pour nous nous perdions en elle.
Disque à écouter fort pour ne rien perdre des interstices, des variations, "Sssseegmmeentss frrooom baaari " (le plus difficile est de reproduire le nom du disque.) est un dialogue artistique, une construction musicale hermétique à la complaisance et grande ouverte à l’accumulation des perceptions, qu’elles soient infimes ou gigantesques.