L’américaine Shannon Wright a toujours su se démarquer par le passé et nous envoûter par ses chansons rêches, à fleurs de peaux qui prennent une dimension si forte en concert. On se remémore ses lives dantesques, cachée derrière ses cheveux pour mieux nous affronter et exprimer ses émotions sans fards, ni fausses pudeurs, dansant avec sa guitare. Alors bien sûr, quand un nouvel album se profile à l’horizon, on trépigne d’impatience, on imagine comment la diablesse va nous surprendre, on achète le fameux sésame les yeux fermés, on déchire fébrilement l’emballage plastique récalcitrant et on écoute dans un silence quasi mystique les nouvelles chansons, tout en scrutant chaque détail de la pochette. Parce que oui, un album physique c’est aussi le plaisir de toucher, palper, regarder un graphisme, quelques mots, des pistes pour créer la connexion avec le nouvel univers, la nouvelle histoire qu’on nous propose.
L’album ‘Division’ sorti le 3 février 2017 sur le label français Vicious Circle se décline en 8 titres et un visuel simple et mystérieux tout à la fois. Cet opus d’à peine plus de 34 minutes pourrait surprendre au 1er abord les habitués d’énergie pure, de sa voix rauque et viscérale, mais on ne saurait trop leur conseiller de balayer leurs préjugés, et de prendre le temps de réécouter pour se laisser porter par cette nouvelle façon de nous parler qu’a trouvé Shannon. On remarque tout d’abord que le son est bien plus nuancé et dynamique, loin du son massif et compressé de ‘In film sound’, l’album précédent. La voix est proche, elle se fait désabusée, éthérée, on peine presque à la reconnaître sur ‘Seemingly’ et ses notes aigus aux accents d’une PJ Harvey période ‘White Chalk’. La voix ne cherche plus à nous asséner ses vérités crues, mais se fait pudique pour mieux servir les compositions. Le rythme du 1er morceau ‘Division’, lent et martial reste en tête de nombreux jours après écoute et nous appelle à y revenir, à découvrir ce qui se cache derrière les passages contemplatifs, les envolées lyriques, les atmosphères nébuleuses. Des programmations de boites à rythmes sur ‘Accidental’, nous rappellent par certains aspects Troy Von Balthazar et ses productions lo-fi, et amènent un coté froid et désincarné, bien vite contre balancé sur d’autres titres par la chaleur du violoncelle, du piano, de sa voix, évidemment. On perçoit moins de guitares tranchantes que sur ses précédents albums au profit de claviers aux ambiances fantomatiques, épaississant un peu plus le mystère. L’approche est différente, mais le résultat est bien là : captivant !