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En cuisine le sommet du talent est la maîtrise de l’amertume. Ce goût étrange de reviens-y qui transcende la gêne. Et quand l’amertume est utilisée avec maestria, elle sert de levier à toutes les autres saveurs.

Personnellement je suis favorablement sensible à l’amertume, pas seulement par le bonheur qu’elle offre en opposition à un goût sucré par exemple car l’amertume peut se suffire ! Avec Bis Kaidan, vous aurez le droit à tous les usages possibles de l’amertume, le plus souvent utilisée comme la fameuse entropie que Shannon souhaitait réduire. Mon pauvre. Je trouve ce second album plus accessible que le premier. Je préfère poser ça en préambule. Bis Kaidan c’est donc l’utilisation de l’entropie distordue, torturant un message qui aurait pu être clair et limpide. Du coup le bruit devient le message, et on s’efforce de percevoir le miel au-delà de l’amer. Mais à chaque fois que vous croyez trouver une percée dans ce mur du son, une nouvelle joute aiguë vous rappellera que la récompense n’est jamais facile à obtenir. Écouter cet album, c’est un peu comme quand vous essayiez de regarder Canal + en crypté avec la fameuse technique de la vision verticale.

Ce disque éprouvera votre résistance, repoussera vos limites, se jouera de vos espoirs, usera du bruit avec malice à chaque fois que vous croirez avoir trouvé une clairière. En fait Bis Kaidan pourrait ressembler à une sortie au centre ville : vous vous faîtes bousculer de partout, vous marchez sans avancer, des bruits contraires vous parviennent, des parasites. Vous finissez par ne plus savoir ce que vous faîtes là et vous errez comme tous à la recherche de quelque chose à chercher.

L’hyper saturation d’informations, c’est de ça qu’on parle. Savoir séparer les couches, les saveurs et retrouver la cohérence méconnue du potlach. C’est un défi de taille, une mise en question posée musicalement. Au gré des écoutes de ce disque (plusieurs oui) j’ai fini par réussir à sélectionner quelle couche je voulais entendre et faire d’étranges fusions. Bis Kaidan 2 pourra servir d’outil pour :

- vous entraîner à la concentration ultime (contrôler ses émotions lors d’une écoute intégrale)

- faire fuir vos voisins ou couper toute tentative de contact de leur part (ça marchera avec vos parents si vous êtes en crise d’adolescence), ce qui peut être vraiment utile.

- impressionner votre cercle de connaissances en disant « j’écoute ça pour me détendre moua »

- apporter une œuvre de plus à votre discothèque et pas seulement une nouvelle galette, qui vous aidera réfléchir sur le sens que ça a de faire un disque aujourd’hui en admirant la liberté dont dispose nos amis nippons pour mettre un message en musique.

Car oui, si la pochette donne de nombreux indices, l’écoute vous en donnera d’autres. Noise & Idol c’est la bannière de l’impossible union. C’est le Romeo & Juliette du music business avec la focale japonaise. Un amour impossible, deux extrêmes qui pourtant se rencontrent dans une explosion créative dont on appréciera chaque côté de la schizophrénie. Le Noise renverra Thurston Moore au rang d’arrangeur pour variété estampillée Eddy Barclay. L’Idol vous donnera envie de sautiller dans un monde où les nuages sont fait de barbapapa. Les deux ensemble vous rendront capables d’éventrer votre buraliste et de l’étouffer avec ses tripes pour un paquet de délicieux et doux sucres d’orge.

PS : merci à Specific Recordings de faire un vrai travail de dénicheur au service de la curiosité avec au passage de magnifique éditions vinyles. Surveillez les de près, les prochaines sorties arrivent et la surprise sera de taille !




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