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Un petit tour sur internet à la recherche des concerts de Didier Wampas et vous aurez le tournis. C’est à croire qu’il passe sa vie sur scène. Comme à l’époque où il bossait à la RATP (il est à la retraite depuis le 31 mai 2012 à 14h) et à laquelle on pouvait de se demander quand il travaillait (ou quand il dormait... ou dans quel état il travaillait), on pourrait se demander quand il a une vie de famille.

Avec Sugar et Tiger, vous avez la réponse : quand il est en concert ! Le groupe Sugar et Tiger est une affaire de famille. Sugar (qui chante) est sa fiancée Florence Vichat. Tiger, c’est Didier Wampas. Rajoutez les fils de Didier (Arnold et Diego) à la guitare et à la batterie. Terminez par Jean-Mi, ancien bassiste des Satellites, et compagnon de musique de Didier depuis 20 ans : encore la famille.

On pourrait craindre le projet complaisant pour faire chanter sa chérie même quand elle n’a rien pour -on en a connu d’autres (ah, Baschung et Chloé Mons, heureusement sauvés par la musique de Rodolphe Burger) -. La machine à mettre en orbite des « fils et filles de » (comme si on n’avait pas assez des enfants Voulzy, Souchon, Gainsbourg et autres. Y’a bien que chez les Higelin que le talent est génétique). Ou alors le truc pour fans voyeurs en manque de Voici Rock’n’Roll (« Toutes les photos de la vie de family-man de Didier Wampas en tournée sur les routes de notre belle France »).

Mais non. Parce que c’est d’abord un projet à la Didier Wampas. Une envie de jouer de la musique avec sincérité, sans en avoir rien à f... de l’image, du succès ou du positionnement. Une histoire sympa et sans chichi : une tentative de chant de Florence lors d’une séance de studio du deuxième album solo de Didier ; une chanson (« Henri ») à l’occasion d’un album de couples pour une marque de fringues ; trois chansons mises en clip, qui tapent dans l’oreille d’un tourneur qui leur propose de faire un concert. Puis une tournée. Puis un album. Et on leur est reconnaissant de nous avoir fait partager ce projet qui aurait pu rester dans leur salon pour leurs amis. ça aurait été dommage pour nous.

A l’écoute, on ressent le même effet que bien des albums des Wampas ou que le paysage de la Lorraine (ou de la Beauce, paraît-il). D’abord l’impression d’écouter 11 fois le même morceau. Puis, écoute après écoute, chaque chanson apparaît comme un petit monde à soi. Il y a à chaque fois une batterie bien au premier plan. Les guitares en mur de son balançant une ritournelle à la fois simple et nerveuse. Comme il se doit depuis toujours pour les Wampas, c’est « tout à fond » : tous les instruments (et la voix et les chœurs) apparemment au même niveau. La simplicité des mélodies qui peut énerver au premier abord devient une implacable machine à graver les chansons dans la tête : toujours ce talent si peu répandu qui consiste à transformer le plomb du binaire en chansons en or (ou comment c’est compliqué de faire simple).

Étape suivante : ne plus mettre la chanson en fond (et à fond) dans la pièce, mais avec les oreillettes pour écouter les paroles. La voix et les textes de Florence « Sugar » font la vraie différence avec les autres productions de Didier Wampas. Sa voix légère et adolescente, sans être jamais fluette, accentue le style « yéyé punk » qui a toujours accompagné Didier Wampas (punk-à-billy un jour, punk-à-billy toujours) et avec lequel il s’amuse (le riff très cowboy d’« Hôtel Raphaël »).

Mais il y a yéyé punk et yéyé punk. Didier Wampas en solo, ce serait plutôt la veine polémiste d’un Antoine et ses élucubrations voulant mettre Johnny en cage à Médrano et la pilule en vente dans les Monoprix. Florence rappellerait Françoise Hardy en fausse ingénue contant sans paraître y toucher des histoires salaces de sucettes à l’anis. Sa voix nappe de crème fait glisser l’album vers quelque chose de bien différent des productions Wampasiennes habituelles : plus doux et pop, surf, sur une base suffisamment nerveuse pour qu’on évite la niaiserie qui guette le genre (leur tourneur a décidé d’appeler ça du Pink’and’roll : pour le coup, c’est niais ou alors c’est une référence au basket-ball mais alors, on ne voit pas le rapport).

Les paroles sont d’une belle tendresse mélancolique. On a l’impression que Florence raconte la vie de Didier en punk assagi (« une idole débridée, c’est fini ce temps là, j’ai changé, souviens-toi » dans « Johnny téléphone »). Des tristes histoires d’amour (« Car c’est toi », « Hôtel Raphaël », « Sophomore ») alors qu’ils fleurent le parfait comme en témoignent les belles déclarations d’amour (« Comme un chinois », « Henri ») qui finiront n’en doutons pas – et malheureusement - par être lues ou jouées dans des cérémonies de mariage.

Des souvenirs de jeunesse (« Testraou », « Noël Christmas »). Des histoires poétiquement surréalistes (« Paris-Monaco », « Chat uranium »). Sans compter les petites histoires hautement improbables (histoire d’un shérif gay dans « Highway 40 ») et les comparaisons surréalistes (« comme un pingouin en Afrique (...) il fait froid et pourtant je crois en toi » dans « Comme un chinois ») dont Didier Wampas a l’inégalable secret. A l’écoute de cet album, on se dit au passage qu’on perd beaucoup avec cette vogue de groupes français qui chantent en anglais (ou alors, on ne perd rien et c’est sans doute pour ça que c’est en anglais).

Bref, comme toujours avec les albums de la veine Wampas, on commence par trouver ça sympa, puis on le passe sans arrêt, et on finit par être complètement séduit. Damned, encore piégé (mais c’est bon !) !




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