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Me faisant souvent fort, en matière de musique, de n’avoir jamais moins de six trains de retard, je commençais à peine à faire connaissance avec les productions du groupe Pollyanna, dont le charme mélancolique m’avait pour tout dire bluffé. Dans ce disque-escapade, la chanteuse s’entoure d’une formation qui a quelque chose de country, de bluegrass, de cajun peut-être ?... Du banjo, une contrebasse, un violon, un batteur qui ne sonne pas comme une boîte à rythmes, une clarinette, du kazou... Bon, osons le mot : d’une formation "jazz".

Exceptionnellement j’ai eu envie de prendre ce train à l’heure, d’autant que ça avait l’air d’une belle ancienne locomotive à vapeur à la Kinks ("I am the last of the steam-powered trains", c’est dans Village Green mais ce disque nous donnera aussi envie de réécouter Muswell Hillbillies).

Thèse : Comme position de principe, la méfiance prononcée envers le jazz, les trop bons musiciens et les solos virtuoses que je perçois chez nombre de mes copains amateurs de pop se défend. La pop est faite pour tout le monde et doit dans l’idéal pouvoir être jouée par tout le monde (comme disait Lautréamont dans son songbook de Maldoror - je crois, la pop est faite non par un, mais par tous).

Antithèse : la pop n’aime pas les positions de principe ni l’esprit de système (et, pour piquer la formule à Angil, "je ne peux pas l’expliquer sans être à mon tour systématique").

Synthèse : ce disque fait énormément de bien et se moque doucement et à raison de mes (brèves) tentatives de dissertation.

Le sourire et le ton est donné dès l’attaque, contrebasse, batterie, voix douce, très maîtrisée mais sans chichis, défendant des chansons à l’élégance exquise et aux punchlines pince sans rire comme "it’s hard to please with a screw stuck in your forehead". Je suis plus réservé sur la pochette, c’est bête mais l’atmosphère est tellement joyeusement vivante qu’on aimerait bien voir leurs bouilles à tous plutôt qu’un logo rétro.

Il y a aussi une sorte de cheminement qui se fait dans le disque, dont l’apogée sera pour moi "Even more" (devenu mon tube), et qui nous amène doucement depuis le clin d’œil rétro des ballades folks jusqu’à une musique plus ample et sincère, parfois sombre ("In the cornfields" fait penser aux bons moments des Violent Femmes), parfois explosive ("Even more", "Even more", "Even more" !), parfois franchement drôle (le chœur des siffleurs incertains de "Chasing the mammoths" vaut des points).

Ce disque donne sacrément envie de les voir en concert, de les imaginer pousser les chansons dans quelque chose de plus urgent, de plus intense, de moins retenu et de plus ébouriffé. Le soin porté au songwriting et la qualité des musiciens le permettent largement. Il y aura sûrement dans le public un nigaud beuglant des "One more !" et des "Even more !". Ce sera moi. (Bon, pas dans cette vidéo pour contre, j’ai pas pu venir j’avais loupé le train...)

POLLYANNA & THE FINE FEATHERS "Chasing Mammoths" from HJD WORKSHOP on Vimeo.




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