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Précisons derechef que Belle and Sebastian est un groupe qui nous laisse de marbre. Oh, certes, nous avions acheté, au moment de sa distribution française, « If You’re Feeling Sinister » et sa mélancolie Choco BN. Et déjà, à l’époque, cette sensation d’une musique que nous aurions probablement adoré… à l’âge de quinze ans (lorsque la tristesse, ou du moins le souhait de sonner avec tristesse, était bien plus importante que la musique elle-même). Tiraillement similaire avec les EP « Dog on Wheels » puis « 3…6… 9 Seconds of Light » : parfois efficace bien que très en-deçà des références Pale Fountains et Go-Betweens, Belle and Sebastian manquait de sueur, de sexe et de perversité. Comme une visite dans la chambrette d’un adolescent qui préfère collectionner les vignettes Panini plutôt que de sortir draguer les filles et fumer de l’herbe en compagnie de ses potes dévergondés…

Avec « Fold Your Hands Child, You Walk Like a Peasant », le sympathique Stuart Murdoch et la gazelle Isobel semblaient incapables du moindre renouvellement, engoncés comme des marmots dans un spleen aussi inoffensif que gentillet (donc incolore). Ces dernières années pourtant, à partir du trop écrit « The Life Pursuit », les anciens détracteurs de nos Oui-Oui écossais rangèrent leurs armes pour féliciter l’évolution du groupe. Admettons. Sauf que Belle and Sebastian, malgré de nombreux efforts d’écoutes, nous laissait toujours l’impression d’une formation à secouer, de bambins à urgemment biturer à l’alcool fort.

Avec « Girls in Peacetime Want to Dance », ce n’est pas encore aujourd’hui que Stuart Murdoch risque d’être retrouvé ivre mort dans les toilettes du Viper Room. La plupart des titres de ce huitième album ne changeront pas la donne : ceux qui aiment salueront la finesse des arrangements, la voix adolescente de Stuart et les mélodies crève-cœurs ; les autres (dont nous faisons partie) trouveront l’ensemble particulièrement lisse, s’agaceront du timbre minaudé du songwriter en chef puis s’amuseront de mélodies tombant constamment à plat…

Entre deux chansons tire-mouchoirs, Belle and Sebastian se permet diverses escapades vers le dancefloor. Guère si incongrue que Jarvis Cocker entraînant Pulp vers la boule à facettes (classique et sublime « Separations »), l’electro selon Belle and Sebastian va faire mourir de rire les fans de DYE ou Hello Kurt. N’empêche… Pas très loin du « Seven and the Ragged Tiger » de Duran Duran (le glamour de Simon Le Bon et la sophistication de Nick Rhodes en moins) ou d’un Pet Shop Boys sans ironie insurrectionnelle ni Chris Lowe, la funk-pop de « Girls in Peacetime » permet d’aérer un disque qui, du reste, sent le vieux garçon. L’audace aurait consisté à totalement assumer le virage, à virer les reliques pour se concentrer sur cette soudaine envie synthétique. Mais Belle and Sebastian refuse de trancher entre parcours peinard et volonté de casser la routine charentaise. Du coup, l’album part un peu dans tous les sens, pour n’atterrir nulle part. Accordons néanmoins à Stuart Murdoch et à son Club des 6 une assurance inédite, un esprit éloigné du « les Smiths chantés par Mickey Mouse » d’antan. Pour le courage, attendons (ou pas) la suite…