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Comment conserver une pertinence au 13eme album après plus de 30 ans de carrière quand en plus tout semble avoir été dit dans "The Seer", dernier album monolithe que nous continuons encore à décoder ?

Comment conserver une sauvagerie ? Une inventivité ?

Ne pas partir en roues libres ou faire du surplace....

C’est ne pas connaître Michael Gira que de penser cela... Ne pas connaître ses capacités de rebond.

Qu’il hurle que la castration publique est une bonne idée, qu’il reprenne d’un chant souffreteux l’hymne de Joy Division, qu’il possède Jarboe, qu’il influence Neurosis et toute une frange d’une certaine scène Metal ou qu’il sorte des albums solo cabossés qui mériteraient d’être reconnus pour autre chose qu’une simple étape de transition, Gira refuse l’immobilisme.

C’est vrai, "The Seer" est un immense album dont "To Be Kind" semble être le prolongement. Quand "The Seer" est sorti, nous n’avons pas pris pleinement conscience de l’événement que nous vivions... Avec "To Be Kind", c’est comme si l’ancien pape du No Wave voulait enfoncer les clous du cercueil de nos certitudes sur sa carrière.

Entre les clichés inhérents aux Swans (Tribalité, violence, répétitivité, transe) et l’envie de tout basculer, les new-yorkais s’amusent à nous déranger dans ce baroque expérimental jamais très loin du John Cale des débuts ou du Bad Seeds encore tonitruant.

The Swans ou comment faire du head banger intelligemment....Ne pas se limiter à la fièvre du mur de son, ne pas tomber dans du Math Rock chiant Plus ouvert que le précédent, plus lumineux, plus fantaisiste "To be kind" n’en est pas pour autant plus apaisé, peut-être moins touffu, plus direct, toujours hanté par des effluves shamaniques comme un occidental qui abuserait du Peyotl et ne comprendrait pas ce qui lui arrive.

Comme un blues endormi à la Lynch baisé par Captain Beefheart et son regard halluciné planqué derrière les spots des stroboscopes.

Souvent inquiétant, jamais rassurant, Gira veut déranger, perturber. Il veut expulser sa haine de soi et des autres, son sentiment d’inutilité et de rejet.Il voudrait être du troupeau qu’il voit passer, ces humains semblables, ces carcasses vides mais il préfère rejoindre Howlin’ Wolf qui lui sait et comprend.

"Now I sleep in the belly of woman

And I sleep in the belly of man

And I sleep in the belly of rhythm

And I sleep in the belly of love

I sleep in the belly of oceans

I sleep in the belly of truth

I sleep in the belly of kindness

And I sleep in the belly of you

I’m just a little boy

I’m just a little boy

I’m not human

I’m not human

I need love !

I need love !"

("Just a Little boy For Chester Burnett)

A quoi se raccrocher pour entrer, pénétrer cette ronde, cette farandole sans joie où seul ce qui compte c’est de se perdre. Intervertir... Arrière....Avant.... Revenir...Disparaître.... Briser les angles.... Où est l’amer ? le nord ? Le sud ? les points organiques et cardinaux ? Vers quoi mon sextan ?

Chez les Swans, il y a toujours cette rage, cette morsure, cette frontalité qui beugle, qui hurle, qui chie, qui pue, qui jute, qui foutre, qui éjacule, qui vous dit d’aller vous faire foutre, qui vous coupe les couilles, qui vous pisse dessus, qui vous chie dessus, qui vous salit, qui vous emmerde, qui voudrait vous crever la gueule, qui voudrait vous castrer, qui voudrait vous mettre en pièces, qui voudrait vous mettre en charpie, qui voudrait vous briser en 1000 morceaux, qui voudrait vous bouffer et vous dégueuler...

Chez les Swans, il y a toujours cette rage, cette morsure qui rugit contre vous, pas d’envie de vous faire du bien ou de vous caresser la bite ni de sentir votre foutre entre ses mains... Non elle n’a rien contre vous, elle ne veut juste que vous n’existiez pas, que vous n’existiez plus

Chez les Swans, il y a toujours cette rage, cette morsure qui rugit contre vous. N’y voyez rien de personnel.... Non... Elle ne vous veut ni mal ni bien, elle veut juste votre disparition, que vous retourniez à la fange dont vous provenez...

Chez les Swans, il y a toujours cette rage, cette morsure qui rugit contre vous, qui voudrait vous voir mort.... Non ce serait trop simple....

Chez les Swans, il y a toujours cette rage, cette morsure qui rugit contre vous comme le regard du bourreau et cet échange muet entre vous et lui quand il soulève d’un geste pudique la pièce de tissu qui vous empêchez de voir les outils qui viendront bientôt violenter votre chair et vos os...

Chez les Swans, il y a toujours cette rage, cette morsure qui rugit contre vous comme ce couteau qui doucement, presque sensuellement, presque sereinement vient trancher cette partie de notre corps qu’on n’imaginait capable de nous faire subir autant de douleurs....Il y a le choc du maillet sur notre crâne, le liquide rouge qui gicle et vient se répandre tout en chaleur sur notre visage. Le bruit de la flamme qui glisse doucement, l’odeur âcre, la souffrance....

Le sourire doux du bourreau à son ouvrage, méthodique, calme, certain de ses gestes. L’articulation qui se brise dans un claquement comme une grimace qui se fige, la scie qui fait son travail dans un grincement régulier....

La sensation chaude et douce des viscères qui s’écoulent, qui glissent, qui vrillent.... La buée noire dans le regard et la voix posée de l’autre :

"Ne t’inquiete pas, je prends soin de toi.... Ce n’est pas fini... Tout commence...."

Vous vous sentez assailli de doutes, de craintes.... Vous vous sentez dégueulasse mais c’est tellement bon d’être sali, d’être nié.... Vous oscillez entre perte de conscience et plénitude sereine, quand la douleur est partie trop loin, que même le corps ne peut plus traduire.... Mais heureusement, votre guide est là....

"Reveille-toi, ce n’est pas fini. Je n’ai pas fini"

Rien de rédempteur ici, juste l’envie d’être sale et salie... Vous sentez les crachats sur votre corps démembré, vous sentez la raideur de votre bite qui se dresse et le sang qui monte en elle. Vous sentez le souffle de la hache avant de le ressentir dans le bas ventre.... Ultime éjaculation d’un foutre écarlate...

Pourquoi être charpie quand on peut n’être plus rien du tout ?

Vous sentez à nouveau les coups pleuvoir, vous tendez toute votre force qui reste dans ce corps pour aller à la rencontre de ses assauts, ses pieds vous piétinent délicieusement....

Etre à peine plus qu’une merde, moins que rien....

"Tu m’entends... Tu es encore là... ? Toujours là ? Je vais te crever, t’ouvrir et voir ton corps pourrir"

Et là vous savez, vous le savez enfin....

"Sangre de Dios !

Hijo de Dios !

Amor de Dios !

Sangre es Vida !

Vida es Sangre !

Sangre es Amor !

Amor es Sangre"

http://swans.pair.com/




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