> Critiques > Autoproduits



David Fakenahm a de bons goûts. Oui d’ailleurs on en a pas mal en commun. On aime bien les songwriters. Sauf que la plupart m’emmerdent profondément. Des faux mal rasés trop propres qui pensent qu’un capodastre leur permet de jouer toujours les trois mêmes accords en feignant le changement, des types sans vécu qui remplissent pourtant des pages et des pages de "moi je".

Oui. Oui mais...oui mais quand on a passé le gros de la production à l’essoreuse, il reste quelques pépites d’or brut. C’est alors que dans ce torrent de boue dévastateur qu’est la production phonographique, on cherche, et on se retrouve avec ce disque de David Fakenahm. Et là je me dis enfin ! Enfin des arrangements, enfin une voix, enfin des harmonisations qui valent quelque chose, des riffs, des mélodies, un esprit, un propos. Très americana, sa folk est non seulement inspirée par les grands (il a dû l’écouter le géant "Déjà Vu" de CSNY), mais aussi personnelle, car contrairement à une production américaine, elle ferait une drôle de carte du monde. Si "Bones" et sa belle progression pourrait nous renvoyer avec délice en Californie aux alentours de 69, "Beautiful GTR" oscillerait plutôt vers l’Angleterre d’Elliott Smith. Des fois c’est la rencontre, comme pour "Winter is warm" et sa partie de slide. Cowboy certes, mais son chili est aux haricots sucrés et ses chips sont au vinaigre. Rien que "Circus" suffit à me convaincre, ce titre a tout du tube, le son, le gimmick, le rythme, la mélancolie sous jacente. "Nina" est une belle ballade lancinante, avec ce qu’il faut de blues dedans, et la voix y est touchante, sur le fil, comme savait l’être Sivert Hoyem de Madrugada. J’ai aussi parfois pensé à Mick Harvey pour certains de ses albums solos. "Distant" joue l’épure et l’immédiateté et l’effet n’en est que meilleur. Un album équilibré, assez varié, qui propose plusieurs humeurs, plusieurs phases et impressions, notamment avec "27" et sa jolie contemplation instrumentale. Il sait relancer l’intérêt par de légères surprises, tout est finement dosé, comme les chœurs de "My Blue", et cette fin étrange, énigmatique et bienvenue. Et "One thing remains" permet d’éviter de s’enliser en relançant le rythme, avec plus de nervosité. J’aime beaucoup ces parties de slide et ce son de guitare électrique, il me fait penser à celui de Sojourner de Magnolia Electric Co. Je ne cite jamais ce nom à la légère. Continuant son voyage cartographique, Fakenahm semble se plaire au Canada, puisque après la bande à Jason Molina il nous offre un "You’re my woman" qui plaira à tout fan du loner (Neil Young). En cause l’harmonica ? Pas seulement, ces accords balancés avec nonchalance y participent. Les chœurs sont excellents, posés, et puis il y a ce solo noisy, distordu à souhait qui donne du relief au morceau le plus long de l’album (plus de 7 minutes). On se quitte déjà et on se dit au revoir sur "On time", qui est l’exemple de l’utilité de la simplicité tel que nous l’avait démontré Stephen Stills avec l’imparable 4+20.

Je vous conseille fortement cet album qui vous proposera une belle parenthèse. J’en profite pour dire qu’en France nous avons de sacrés songwriters, et vous encourager si ce disque vous a plu à essayer Jullian Angel, Reza...

La production est limpide, et bien que d’ordinaire je préfère le brut (Skates de Hayden = apothéose auditive), le rugueux (quand Neil Young s’électrise), j’ai accroché très vite tant c’est cohérent de la personne, des mélodies et du propos qui se révèle honnête et ne cherche jamais à mentir.