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Derrière son nom en forme de regrets adolescents qui pourrait désigner un nième groupe « emo » pour collégiens à la mode, Lovely Girls Are Blind cache en réalité une forte personnalité.

Autoproduit, enregistré par leurs propres moyens à la maison, puis mixé et masterisé par leurs soins, « Brésil » est leur second album. Sa pochette volontairement trompeuse nous emmène sur une fausse piste, car s’il s’agit bien ici de luxuriance, il n’y a pas de place pour le déhanchement et la syncope : Lovely Girls Are Blind n’est pas plus tropicaliste qu’émo, et joue tout au long de ces neuf titres exclusivement instrumentaux un post rock shoegaze à la Mogwai mêlé de post-hardcore proche par moments de Cult Of Luna ou Pelican, avec des cotés progressifs à la King Crimson (période Red ou Power to Believe, soit la facette plombée du groupe) et des passages atmosphériques dignes d’un Sigur Ròs un poil moins éthéré.

Ce catalogue d’influences ne doit pour autant pas faire peur : pas de citations, pas de démonstration, pas de collages artificiels ici : Lovely Girls Are Blind possède suffisamment de personnalité et de maitrise pour proposer une musique qui lui appartient. Les titres, qui tournent quasiment tous autour des 5 minutes, sont riches en développements et rebondissements, rarement en cassures : chaque nouvelle idée semble un prolongement naturel du passage précédent. Lovely Girls Are Blind avance dans ses morceaux par petites touches subtiles, bien souvent un arrangement se rajoute à une partie, pour devenir quelques mesures plus loin l’élément principal d’une partie totalement différente. La musique, bien que très contrastée sur la longueur du disque comme au sein de chaque morceau, coule avec fluidité. Cette façon de composer sans heurts et d’amener des climats variés par simple modifications des dosages, Lovely Girls Are Blind la partage avec un groupe comme Camel (période SnowGoose, Moonmadness, Mirage). Comme chez Camel, la musique de Lovely Girls are Blind est riche mais sait garder en permanence une réelle accessibilité. Comme chez Camel, quelque soit le degré d’abstraction des parties atmosphériques ou le niveau de concassage des parties saturées, la mélodie n’est jamais très loin : c’est la guitare qui s’en charge le plus souvent, et elle remplit ce rôle à merveille. Peu de notes, pas de solos, mais des ambiances prenantes grâce à une utilisation variée de la réverbe, du bottleneck et de saturations respectant le grain de la guitare (« Noël Noel »). Signe de maturité, le groupe ne fonce pas tête baissée et garde souvent une belle retenue, même s’il lui arrive de faire hurler les amplis, et de fort belle manière (« Robotnik »).

Enregistré principalement live, le disque est émaillé de petits défauts de justesse, et certaines parties m’ont semblé en dessous, comme la partie reggae qui arrive on ne sait trop comment au sein de « Croquemitaine » ou certaines guitare rythmique en accords balayés. Le son, quoique bon et bien maitrisé, ne rend pas justice aux détails et mériterait plus de clarté et de dynamique. Mais « Bresil » est un très bel album, qui se découvre au fil des écoutes et vers lequel on revient avec plaisir. Des titres comme le très Crimsonien « Eclair de France », sur lequel la basse retrouve le son de John Wetton sur Red, « Ayrton senna » qui bat pour nous l’espace de quelques mesures le record du tour, ou « Cochise » avec ses arpèges en son clair qui sonnent comme un croisement d’Adrian Belew et Kurt Cobain et sa guitare soliste tout en sustain , sont de très belles réussites.




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