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Se lancer dans la chronique du dernier Gablé alors qu’il pleut sur moi, et que Wu Lyf est en train de rendre mon quotidien aussi paisible que celui d’un habitant de Damas depuis le début de l’insurrection, est une chose insensée. Il est toujours de bon ton, et surtout vitale d’écouter un type qui va mal quand vous allez mal. Ces chansons sont alors des bras sur vos épaules, vous permettant de voir que le malheur peut être pire chez les autres. Ecouter Gablé dans les dispositions qui sont les miennes, n’est certes pas une gageure mais une drôle de thérapie par le sourire, quand il fait noir dans ma tête. Avec ce nouveau disque Gablé n’expérimente pas la folie, il est la folie. On se demande comment le groupe va d’ailleurs pouvoir passer les mailles du filet de répression qui recouvre notre pays. Car, est il possible de composer de telles chansons sans avoir à faire avec des substances qui feraient défaut dans les soutes du bus de Monsieur Delarue. Depuis les premiers efforts de Lou Barlow avec son Sentridoh, ou depuis ceux de Beck avant sa plongée dans une secte tendance, ou même depuis les premiers disques pour enfants de Pascal Ayerbe, nous n’avions pas croisé de telle chansons, faisant la nique à la fois à la morosité, à la grammaire et au savoir vivre. Comme il est contrarié avec les majuscules et les minuscules, Gablé l’est aussi avec les théormes et la logique. Prenez « WHo TeLLS you ? », c’est à première vue un titre qui se marierait bien à certains titres de la discographie d’Animal Collective, sauf que l’intellectualisation du morceau serait plus à chercher chez les Monty Pythons que dans une master class de Pierre Henry. Si comme je vous le suggérais vous avez pris « WHo TeLLS you ? » vous n’êtes déjà plus récupérable, vous avez perdu les bases de la phonétique, et vous êtes le maitre d’œuvre sur le lieu même de l’écoute, d’une représentation de paganisme. Si vous avez fait la sourde oreille, vous pourrez probablement aller au bout de ce voyage pas les autres. Minimaliste, déconstruisant pour éviter l’ennuie, Gablé est comme un groupe de troubadours sans GPS, pratiquant des routes défoncées par le temps (la route folk n‘est pas avare de nids de poule). Sans jamais tomber dans la caricature de ce genre d’exercice, le groupe titille la folie pour en faire un art nouveau, comme on recollerait une à une à un arbre les feuilles tombantes l’automne arrivant. Il n’est pas de mon devoir de vous obliger à écouter Gablé, mais comme le disque est parvenu à arracher un sourire à mon visage meurtri par la douleur, je ne peux que vous conseiller de laisser de côté certains de vos interdits, pour un disque qui vous fera du bien. Merci.