Voyage en terres désolées. Entre noise et post-rock, impressionnantes de maîtrise, les huit compositions de Plenty of Nothing, le premier album du trio parisien Sala Bestia, cartographient cœurs crevés, illusions éhontés et paysages crevassés à la nudité crépusculaire, dans un maelström caverneux évoquant tout autant Slint, Shellac et Sonic Youth, que Chokebore et Syd Barrett. Il faut dire que les membres de Sala Bestia ne sont pas nés de la dernière pluie (d’acier) : Eric (chant, guitares) et Michel (batterie, machines) jouent dans Revok, tandis qu’Aurélien (basse, machines) a collaboré avec Desicobra, Radiant et Schoolbusdriver. On peut le dire : il y a du level. Enregistré par Pierre-Antoine Parois (Papier Tigre, Spelterini), l’austère (traduire : belle sobriété exigeante) et vénéneux (l’atmosphère orageuse froisse et fait frissonner l’échine) Plenty of Nothing, dès False Sentence, vous agrippe puis ne vous relâche plus, notamment grâce à sa science du contraste, l’éloge de la patience – Sala Bestia sait prendre le temps de poser l’ambiance, à l’image de Decision To Cut et Several Times, géniale la basse répétitive au son cru – et un jeu de guitare épuré (arpèges à la limite de la dissonance, motifs minimalistes, suite d’accords lo-fi maussades) néanmoins très expressif. Petit pas de côté avec le post-punk Plenty of Nothing, qui éclairera un opus dont le parti-pris ascétique s’accompagne de fulgurances sonores, d’emportements rugueux et de bien mélancoliques mélodies, et ce jusqu’à la fin, à l’instar d’un If It Helps dantesque et long en bouche. Sala Bestia ne rugit pas mais brûle d’un feu intérieur tout aussi dévastateur, vous voilà prévenus.