Trois ans après un premier volume en forme de manifeste, voici la seconde compilation de Cartelle (Radical Kitten, Île de Garde, Saintes), label rennais fondé par Margot Oger et Liza Bantegnie. Chez ADA, éternels garants du bon goût, nous avions élogieusement évoqué les œuvres récentes de Radical Kitten et Concordski : ainsi, c’est avec un plaisir anticipé que nous nous plongeons dans les onze titres de cette nouvelle sélection, qu’ouvre la nantaise Dela Savelli avec le lynchien E La Vita, drapé dans une majestueuse mélancolie synthétique digne du club Silencio de Mulholland Drive. Dans un registre folk psychédélique, la chanteuse et guitariste Vicky Veryno prend le relais, nous offrant un envoûtant Empty Eyes, dont la structure tournoyante intègre glissements harmoniques et arrangements baroques, un régal. Composition inédite d’Eugénie Leber, L’Incendie, ritournelle acidulée en forme d’ode à la pop bleu nuit des 80s (sens de la mélodie + accords mineurs), magnifiée par l’irruption à mi-chemin du beat, est une perle supplémentaire dans un répertoire qui ne demande qu’à foisonner : trop content de retrouver Concordski ! Plus loin, le trio Île de Garde, formé à Nantes en 2020, prend le relais avec Homicide Volontaire, bouillant exercice de funambulisme synthwave au texte particulièrement glaçant, tandis que Mariette Auvray alias Marie Delta nous propose un métronomique Forgotten Voices, rythmiques volontaristes et claviers répétitifs, qui rappelle tout autant la jeune Cat Power (une certaine urgence dans la manière de poser le chant) que Stereolab (les mélodies vocales enchevêtrées), et que la bordelaise Blondine Morisson, accompagnée de Shitney Beers et de Kim Giani, nous entraîne dans un joyeux et acoustique Delirium franco-allemand, parfait entracte avant d’attaquer la face B. Le Soleil Est Haut : le printemps qui s’achève devrait en prendre de la graine et écouter Tiffanie De Falaise se lancer dans une réjouissante litanie invocatrice électro synthpop, à l’issue de laquelle, guidé par le trio Radical Kitten (from Toulouse) et son épidermique post-punk core More Space évoquant les regrettés Test Icicles, avec fièvre nous basculerons dans la chaleur de la nuit. Et ce n’est pas le garage punk du trio parisien Oh, no ! It’s DIVA (clin d’œil à qui vous savez, bande de geeks) qui hâtera le retour de l’honni petit matin. L’irrésistible bombinette Freedom vous scotchera sur la piste couverte de sueur. Trop tard pour attraper le dernier train : le trio Nout – flûte, harpe, batterie – se lance dans un improbable The Last Train, conjuguant jazz d’avant-garde, garage rock et noise, une tuerie. Le slow minimaliste, vénéneux et addictif, Fall Back Position – que Lana Del Rey pourrait légitimement jalouser - voit BIP 3 clore en beauté une compilation de haut niveau : pas l’ombre d’un doute, Cartelle deale de la super musique.