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Ce soir, j’hésitais à évoquer la réédition du « Baiser » de Miossec, publiée dans le cadre du 25ème anniversaire de sa sortie, et il a fallu que je tombe sur cette reprise de « La fille à qui je pense », enregistrée dans le cadre d’un tribute ADA par Laure Slabiak alias Blaubird, qui par ailleurs avait fait ici même l’objet de singulières éloges lors de la sortie de son premier album, « Rising – La fin de la tristesse », radiant une infinie mélancolie et un raffinement jamais ostentatoire, jouant avec l’ombre et la lumière, pour me faire dévier de mon intention initiale : après tout, ce cher Miossec, autrefois si fringant et désormais voûté, institutionnalisé et abrité par un stupide béret que jeune, il aurait désapprouvé, tout autant que sa courageuse abstinence – on sait à quel point l’abstinence est aussi horrible que son absence -, ne nous en voudra pas.

It’s time to parler de l’oiseau bleu, qui a fait ses armes dans le registre lyrique, nourrissant son chant clair, riche et affirmé, suave d’une suavité sans forfanterie, d’une agilité lui permettant d’aborder frontalement un registre balisé de trop de trop peu – la variété. Avec ce nouvel album à la production luxuriante et néanmoins mesurée – aucun effet de manche, jamais les accordéons, violoncelles, saxophones, harpes, xylophones et autres pianos convoqués ne s’illustrent par leurs bavardages – Blaubird affirme une vision exigeante de la chanson française (dont parfois les mots glissent dans d’autres langues – anglais, yiddish ou Neruda), parce que d’une part les textes intimistes renvoient à la doxa d’une artiste affirmée et sensible, et d’autre part les arrangements jamais ne sont des cache misères : il s’agit là d’un bal sensible de sensibles chansons, auxquelles sont conviés Tcheky Kario (« Tes mots dits », merveilleux) et la pianiste Shani Diluka, dont les références littéraires agrémentent l’écrin musical : tout se termine avec Goethe, lisible philosophe amoureux de danse et de théâtre (en témoigne son très divertissant « Les Années d’apprentissage de Wilhelm Meister »). Bel univers que celui de Blaubird, que pourrait décrire Maeterlinck : « Tu te crois dans le ciel, mais le ciel est partout où nous nous embrassons. ». Ciel bleu, bellement, tellement bleu, si bleu et si bas qu’il se reflète dans la voix de celle qui chante, chante et chante au creux de vos oreilles : « Je passe ». Sauf que personne ne passera son tour à l’écoute des 17 titres de « Le ciel est partout », œuvre ambitieuse et néanmoins accessible d’une artiste aux ailes argentées.