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Je venais de remettre une bûche. Dehors, un voile blanc avait tout recouvert, et seuls les oiseaux avaient le courage de chanter. Je privatisais le fauteuil, celui du coin lecture, quand la télévision ne crache pas son flot d’images mortes. Les pieds solidement ancrés dans un coussin moelleux, un verre de spiritueux que l’on ne boit que quand le calme nous rencontre, un bouquin de Jim Harrison, et ce disque que nous ne lancerons qu’une fois bien installé.

J’imagine alors un fauteuil à côté du mien. Un vieil ami, une connaissance passée viendrait s’y asseoir. Je l’aurais croisé, il y a de cela une dizaine d’années le temps d’une de ces innombrables compilations que je déposais comme des bouteilles à la mer sur le cercueil de nos espérances passées. Elle serait là, la femme à la belle poitrine, remplacée par un portrait inachevée, de la même femme, je le saurai jamais (est elle un ange maintenant ?). À l’époque, il me présentait des ballades, il me propose maintenant des chansons de la nuit. Il connaît peut-être mon impossibilité à mener à bien le combat avec le sommeil, à moins que finalement, dans ce confort de l’instant, je ramène tout à moi.

The Wooden Wolf sera alors une source de chaleur en plus du feu, de la brûlure d’un alcool fort, des morts de souffrance et d’ivresse d’un auteur à la fêlure infinie. Cet ami, arrivé comme un fantôme, m’emmènera sur les rives d’une Amérique que nous voyons différemment depuis « There is no-one what will take care of you », mais lui en y ayant installé sa cabane en bois, ses amours perdus, ses fantômes, ses amis défunts, ses rêves macabres ou ses rêves à la volonté timide. Il y a alors à cet instant quelque chose qui me traversa, vous l’expliquer serait aussi difficile que de comprendre pourquoi je ne sais pas écouter « not too amuzed » de Sebadoh sans me noyer. Quelque chose qui semble tenir de l’émotion, mais qui est à chercher plus en profondeur. Pas un feu sacré, mais certainement une rivière où les retours ne seraient pas aisés, mais qu’emprunter reviendrait à un genre de félicité, même si celle-ci mettrait la mélancolie dans le camp des aimables sentiments.

Je n’ai pas refermé le livre, il semblait lui être irrigué, je laissais un verre plein, car j’étais persuadé que cette apparition allait se manifester, le feu lui, rageur ne se consumait pas, il crépitait comme des ondes envoyées pour panser nos plaies et nos affres.

Je me suis dés lors promis de laisser une place auprès de moi pour The Wooden Wolf, car on ne croise que rarement quelqu’un vous donnant autant. Terrassant.




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