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Est ce un hasard, mais alors que la nouvelle COP se termine avec la même ambition mortifère que celle d’une pépiniériste paysagiste qui ne jurerait que par les produits Bayer, les « Sonar Tapes » de François Joncour sortent avec en leur sein cette phrase dite par une chercheuse « ce que l’on entend, c’est la beauté d’une catastrophe, des glaciers en train de fondre » (Interlude 1). Phrase terrible mais obligatoire pour que nous finissions par regarder les choses en face, et non pas via les yeux mercantiles d’un Yann Arthus-Bertand.

À l’instar de ce qu’a pu faire Molécule en ouvrant sa palette de son à ceux enregistrés dans un cargo le temps d’une longue traversée, François Joncour s’est plongé, mais surtout ses micros, dans l’univers d’un laboratoire où des chercheurs scrutent les sons marins pour comprendre et tenter de trouver une solution à la catastrophe qui lentement, mais sûrement nous nargue.

Magnifiant les sons des abysses, François Joncour les mélangent à des orchestrations traditionnelles (avec comme musiciens excusez du peu, Mirabelle Gilis (Miossec...) au violon et au chant, les batteurs Nicolas Courret (Eiffel...) et Thomas Poli (Laetitia Shériff...) aux manettes) et à une électronique tout aussi hypnotique qu’enivrante (Le Noir Grall). Il n’est pas question ici de nous prendre à rebrousse-poil et de nous plonger dans le noir, ni même de nous bercer d’un espoir béa. Le but serait plutôt de nous alerter sur la fragilité de la beauté du monde, en nous éclaboussant de celle-ci (Skarigan a Ra) avec la même force évocatrice que certains morceaux de Yann Tiersen par exemple. Sous le vernis, nous percevons la fragilité qui craquelle nos défenses immunitaires, questionnant notre position en nous faisant perdre nos repères, nous déboussolant (Tout S’En Est Allé).

Mais le tableau s’il n’est pas noir, François se devait de nous rendre compte d’un chaos (Interlude 2) car la beauté du désastre ne doit pas nous éloigner de la torpeur avec laquelle il va nous recouvrir (« The Depressed Larvae » comme une Bjork débarrassée de ses « Arty-fices » pour nous livrer une composition à l’os avec un Thom Yorke habité).

Plus le disque avance, plus il semble nous faire passer du beau bleu de la pochette vers un bleu de plus en plus spectral (« Les Gorgones » et ses chimères asiatiques suggérées), sans jamais s’éloigner de ce qui fait la force du disque, une écriture musicale sublime. « Sonar Tapes » est un disque hommage, mais surtout un avertissement sonore ( Ô Spitzberg !) dans lequel l’art se transcende pour nous avertir. Magistral.




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