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J’allais vous parler de comment, dans ces années lycées qui nous ouvrait les yeux, je me fardais de cette mythique pochette rouge dans mon sac a dos, de « Luz Blanca » enregistrée en boucle sur k7 de 60 (j’ai fait ça aussi sur le love like blood), puis les flirt avec Noir désir, les chemins intellectuels du manant franco-américain au sang viking, dire que c’était un peu cette étoile filante, maladivement changeante, avide de métamorphoses, toujours sur les lèvres du risque, au bord des falaises, a deux doigts de l’idole, du Golem, presque dieu, mais qui, au portes de l’olympe, prenait un détour pour allonger le chemin, maudits artistes. J’allais vous parler de ça comme introduction à sa énième réincarnation, puisque l’on m’a murmuré à l’oreille que c’était un très bon disque, mais voila. La musique se moule a nos jours, prends la forme de nos humeurs, la musique sert aussi a cela, a se mentir, a ne pas avoir à savoir (non pas a ne pas penser, la musique est une intelligence), la musique aide parfois, à ne pas être là, du moins, pas soi. Les aléas de ces derniers jours, personnellement, ont été bouleversant, sombres, tristes, et la manière que j’ai eue d’écouter les premières bribes de cet artiste avant les nuages ont totalement changé sous le ciel de plomb. La musique, est comme un suaire mouillé, elle prends la forme du corps et certaines empreintes, et épouse la silhouette de l’âme. Theo apparait sous un autre jour, parce que je ne peux l’écouter désormais comme je l’écoutais dans cette mythique pochette d’Octobre rouge, et encore moins en ce jour, avec la tristesse intraveineuse. Sans doute que les lueurs seront plus luisantes encore et les ombres plus profondes, c’est le contrecoup de ma vie sur le cours de son art.

J’aurai donc pu, dans un autre contexte, voir toutes les lumières, les brios déguisés dans ces sonorités encore vives, jamais éteintes chez ce créateur, je vous aurai dit que la musique est crue, chaque instrument est venu en plan naturiste, nus comme vers, raclant, éraflant, secs comme un manque, mais je n’ai vu que les plaies de cette voix, conteuses de tout temps de toutes époques, et cette diablerie, cette démoniaque manière de pénétrer dans nos cranes, c’est du vaudou Mississipi, c’est un chant presque indien, quasi cosaque, alcoolisé et mesquin, atomisé et hautain, mais affilé comme glaive, l’épaisseur qui fait mal, la finesse qui transperce, Dans l’écoute la musique a presque déteint, s’est aquarellé et a presque disparu, des statues on ne regarde le socle. La voix est celle qui transporte, qui donne fièvre et remède, qui dit, qui décrit, qui dessine, c’est la voix qui serpente dans l’éden, hypnotique, malsaine tant elle semble naturelle, tant elle trébuche et se relève, Theo ne vient pas ici faire de la musique, il vient nous rapter l’instant, prendre en otages nos sentiments, conter, raconter, toucher, couler. Non, l’ambition de Theo n’a jamais été d’être le plus grand musicien du grand cirque, il y pensait peut être au prémisse de Passion Fodder, il ne songe plus, sage, dans sa longue carrière de souterrains et surfaces, qu’a être transmetteur, micro, ondes sonores, Theo n’aspire qu’a dire, C’est là sa beauté, son talent, la poésie est fleuve, il en connait les recoins, dans la même boue il trouve l’histoire, dans l’or il trouve le trouble, derrière (et techniquement en arrière), la musique peut être riche où heureuse, la voix couvre, ce n’est qu’une asphalte pour faciliter la route, le véhicule, est de cordes vocales, qu’on le sache, Theo est une voix qui ne se taira pour rien au monde, parce que le monde a beaucoup a dire, et cet un style qu’il habitue, depuis des ans, a offrir a nos oreilles de lecteurs sonores. Dans un autre état d’âme je vous aurai parlé du parcours, mais là, définitivement, dans cette peine qui loue mes alentours, je ne perçois que la voix, sa déchéance voulue et ses épines, la fragilité de certains abandons et la puissance de tout ce qui s’écrit, la profondeur que donne l’erreur de la glotte, le faux pas qui sacrifie l’or a nos âmes. Non, ce n’est pas le meilleur disque de Theo, mais c’est le plus signé, le plus saigné, celui qui est lui, celui qui est nu, celui qui dit tout, c’est surement pour cela que la voix est maitre et reine dans ces sillons, les éclats n’émergent pas d’un effet de composition, l’explosion vient de la bouche, de la langue, de la gorge, et des mots qui y reposent et sortent, encore timides, prendre l’air avant chaque noyade.




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