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Il y a surement un petit moment de fatigue, de lassitude, de parler sans arrêt de l’âme de la musique, de se laisser porter par la poésie, de ne savourer que l’émotion du son, mais c’est comme l’amour, on ne peut parler de lui sans évoquer le sexe, la violence des corps, la guerre de conquête et la brutalité nécessaire pour vivre. L’amour sans sexe reste incomplet, alors la musique sans rage, n’est pas non plus entière. Un peu las de toutes ces esquisses calmes et profondes écoutées dernièrement (ce qui n’ôte pas leur magie et beauté, ce n’est qu’une fatigue, point un ras-le-bol, il faut de tout pour aimer un monde), je notais le ressurgir d’un besoin de bataille, d’un besoin de primitif, de chaos, du feu dans les gestes et de superficiel, le paillard, le cru, le brut, en bref, le rock et le blues. C’est une question d’équilibre qui n’est péjorative ni pour l’un ni pour l’autre, et qui souvent trouve des points de suture ou de fusion jusque là cachés, ou peu probables d’exister- il y a de la poésie dans l’anarchie et des coups dans la délicatesse- ce sont en fait, des continents limitrophes dont les langages sont semblables aux frontières et se différencie dans la distance. Il fait bon vivre sur la ligne, l’ouïe s’y plait. C’était donc en songeant à ce besoin de changement que je me plongeais dans la recherche d’un son apte à me bouleverser physiquement les entrailles. Alors, trop calmé par les dernières écoutes expérimentales, je puisais dans la pioche de ces sons qui ultimement m’avaient provoqué ce je ne sais quoi, ce vibrato dans les tripes, et arrêtais mes pas sur ce groupe dont la pochette de paysan (breton, vendéen ?) armé de son porc me rappelait ces pochettes de disques punks fait maisons qui inondaient les espaces de repos du lycée où je trainais les pieds. Ce quatuor là, baptisé The Marshals, comme si un vieux snake moan allait surgir de l’artwork, réunissant l’harmonica furieux de Laurent Siguret, la batterie sèche de Thomas Duchézeau, la guitare swamp de Julien Robalo, sa voix de vieux loup de terre, et les rythmiques brulantes de Fabien Larvaro, y livrent une bataille spontanée, encore vive, essence sous la flamme, impossible a imaginer sans la fumée et l’alcool d’un saloon entre New Orléans et le delta du Mississipi, où sur l’échine criblée de bars d’une route 66 acide, un bush humide, et le monstre du marais assis au fond. Ceci n’est pas plastique, ceci n’est pas lisse, c’est une Jam session comme il y a longtemps que je n’en écoutais, presque pris sur le vif tant l’enregistrement est palpable, ceci est chair, ceci est sang et sueur, comme le savaient dégainer les Creedence, les John Lee Hooker et les ZZTop de La Grange, (Rien de macro marketing Bonamassa)ceci est blues gonflé de rage et de vérités, pas le temps de mentir, pas de maquillage, ceci est là, juste a cet instant, et a la seconde suivante, n’aurait aucun intérêt d’être, le moment choppé, a quoi bon peaufiner. Oui, le spontané est tout aussi un art, ça sort directement, sans le masque, cet artisanat du son, simple comme parler, naitre, et toute autre action innée est une preuve de vérité qui peut gifler de sa sincérité, mais peut tout autant désoxyder les hanches, exploser la tranquillité et donner sang aux veines. Un disque dont la fraicheur réside dans l’incendie, entier, puissant, qui s’écoute entre sueurs et cœurs, façonné comme des œuvres d’arts d’ancêtres mythiques, où chaque son pèse son poids et conditionne la légèreté de la déflagration, musclé, intègre et direct aux ouïes, un combat dont le ring est un tapis où se cadrent les musiciens le temps d’un bon temps. Oh je sais désormais que faire quand le calme me rend amorphe, prendre une vieille Buick imaginaire, me planter dans une vieille sale de concert en bois vermoulu par l’humide fleuve, chopper au passage quelques bières, m’assoir au bar, et boire de ces musiques intactes des Bruyères jusqu’à ne plus discerner le jour et la nuit, beau programme, chaud programme, Darling.




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