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Gemini, premier album de Wild Nothing, ne pouvait mieux tomber qu’en 2010. En ce temps-là, tel un parfum issu de l’adolescence, le groupe de Jack Tatum revenait fureter vers un axe encore intimiste : la mouvance Field Mice / The Wake (autrement dit : la pop fragile de Sarah Records). Avec The Pains Of Being Pure At Heart, Wild Nothing incarnait une passerelle idéale entre l’enfance indie-pop (mélancolique) et ce besoin d’envisager l’avenir sans jamais succomber à la nostalgie. Oui, Wild Nothing détenait la parfaite formule : des chansons contemporaines qui nous permettaient de revivre l’insouciance des années lycées puis fac (voire plus loin).

Depuis, les choses ont bougé : Sarah Records est devenue une institution (chaque semaine, un nouveau groupe dream pop puise ouvertement dans le répertoire), The Pains Of Being Pure At Heart n’arrive guère à franchir l’étape adulte (les muscles n’y changent rien), et tous les groupes « trop de couleurs distrait le spectateur » se reforment (The Wolfhounds, The Wake, Slowdive). Quid de Wild Nothing ?

Avec Nocturne, en 2012, Jack Tatum n’avait pas beaucoup changé. Nous si. Disque honorable, ce deuxième LP cherchait à s’extraire de l’influence Field Mice pour, at least, faire vœu d’impuissance. Et puis, mea culpa : deux années après la surprise Gemini, sans doute étions-nous dorénavant blasés au contact d’une apeurée mélodie shoegaze, d’un chant aussi timide que frêle. Plus banalement, nous sentions que l’influence Sarah commençait à n’offrir aucune perspective autre que l’habile duplicata.

Artiste doué, soucieux de renouvellement, Jack Tatum, aujourd’hui, souhaite entraîner son bébé Wild Nothing vers des horizons moins identifiables. Il voudrait cocufier Sarah ; mais celle-ci, ad vitam aeternam, s’imposera comme son indéfectible premier amour. Life of Pause, sur ce point, renvoie souvent aux premiers Aztec Camera ainsi qu’à l’album Steve McQueen de Prefab Sprout. De Roddy Frame, Wild Nothing en retient l’exotisme inquiet, le souhait d’écrire des morceaux pop qui s’affranchiraient du canevas « basse / guitares / batterie ». De Paddy McAloon, on retrouve ici un délicat nivellement entre la possibilité du sirupeux et le réalisme qui authentifie, justifie, une dérive contrôlée vers le larmoyant. Problème : l’émotion est absente. Life of Pause évite avec méticulosité les pièges du lacrymal comme de la world music, mais le travail obsessionnel supplante l’instinctif, chaque titre révèle un acharnement d’écriture qui s’entend, et finalement dérange.

Plus embêtant : Life of Pause, malgré sa soif d’ouverture, en revient à un constat face auquel Jack Tatum se révèle démuni : Wild Nothing ressemblera, quoi qu’il arrive, à du Field Mice. À du bon Field Mice, certes. Mais lorsque Wild Nothing assume ouvertement son impuissance à rompre avec Sarah (à de nombreuses reprises au cours de cet album), il lui manque ce pourquoi nous aimons parfois réécouter les disques du label : les souvenirs qui ressourcent (quand se manifeste la nécessité d’évaluer le présent). Trop actuel, Wild Nothing nous en demande beaucoup : faire comme si l’isolement passéiste s’apparentait à la meilleure des solutions afin d’assumer les problèmes quotidiens. Désolé, mais non : mieux vaut vivre avec son époque que s’isoler au cœur du paradis perdu.




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