Un tranche de jambon ou de chorizo en gros plan, laissant apparaître le système d’irrigation de la chair d’un animal que l’on imagine sauvage. Un poitrail velu et large que l’on imagine d’un homme qui pourrait déchirer de ses dents la chair de cet animal sauvage. Ces deux images sont sur la pochette et le livret du troisième album des valenciens de Betunizer, le fantastique « Gran Veta ».
Ce disque est tout à la fois bestial et d’une virtuosité que des mélomanes en souffrance de son et de risque pourrait mettre au firmament, sur le haut d’une pyramide qui finissait par n’avoir qu’un gros socle mais qui ne parvenait pas à gagner des étages. Betunizer ne vas pas construire de pyramide, ils pourraient même prendre un plaisir malin à lézarder la bâtisse, déjouant toutes les études sismologiques. Chez eux la rythmique est tribale, les guitares semblent prises d’une pathologie étrange les empêchant de jouer deux fois la même note de la même façon. Il en ressort une chose incroyablement complexe, mais terriblement addictive, car au final proche de l’animalité que nous finissons par noyer sous les couvertures des conventions sociales. Betunizer ne fait pas dans le demi mesure, et le chant qui surnage dans ce chaos, est partie prenante dans le chaos qui prédomine. Vous allez sentir vos veines grossir devant s’accommoder d’un flux sanguin qui ne fera que s’accélérer, les globules poussant au portillon, soumis par un cœur battant la chamade à une accélération qui pourrait être fatale au premier cardiaque qui passerait non loin des enceintes de votre hifi.
Etonnant de bout en bout et jamais ennuyeux voir complètement absorbant, le disque se finira avec l’hypnotique « El Ritmo Que Tu Tienes », boucle étonnante (avec des cuivres) et paroxysmique d’un disque qui déroute et enchante, qui donne du sang et de la férocité pour avancer encore et encore. Aiguisez vos dents et venez prendre à pleine mâchoire ce Gran Veta. Végétarien de la musique, passe ton chemin.