Une pop de rêves, aussi aventureuse que douce, aussi mystérieuse que limpide, c’est ce que nous évoque la musique de l’ami Tycho. Enregistré dans une dizaine de villes avec une quinzaine de participants et quarante-sept instruments, sur le papier ce disque me faisait craindre au premier abord la surenchère et l’éparpillement, l’épuisante exhaustivité des "grosses" oeuvres collaboratives. Mais il s’agit ici à chaque écoute de dialogues et de moments intimes partagés. On divague et on explore, on flâne et se promène, on rêve de grands voyages, de l’Arizona à Acapulco, des villes invisibles d’Italo Calvino au pays-corps de You are my land ; mais dans ce bienveillant labyrinthe fait de haies plus ou moins hirsutes à travers lesquelles percent des jours d’arpèges (ce son de guitare me rend terriblement lyrique, I beg your pardon), on ne se perd que par plaisir. Y a-t-il du Lambchop dans ce minimalisme dense, dans cette ligne claire orchestrée, dans cette sobriété jamais sèche ? Y a-t-il du Moondog dans les polyphonies chorales (on y pense dans l’attachant Kings and queens, enregistré avec un duo de chanteurs lyriques dans un anglais bien loin de Wall Street - plus un Sesame Street dont Tycho serait le mélancolique Kermit) ? Et ce petit Mouton noir ne sort-il pas d’une comptine à la Comelade ? Un mot encore pour la fraîcheur et les touches de sensualité des paroles en français, que la variété des tons et des voix illustre joliment. Un mot encore pour la quatrième fois qu’il n’y eut pas...
Nous pouvons aussi bien rêver d’autres références. Quand j’ai chroniqué ce disque, j’ai apprécié qu’il me fasse sourire et désarme mes colères du moment : rasséréné, j’étais prêt à l’envoyer et mon ordi m’a fait le coup du "j’oublie de sauvegarder". Mon ordi m’a fait le coup du "je me laisse porter par la musique et préfère rêvasser qu’aligner laborieusement mes mots vains". Saleté d’ordi, saleté de félicité de l’écran blanc !
Je me suis pressé autant que possible de la réécrire car il est encore temps pour nos chers lecteurs de participer à la campagne microcultures qui permettra de sortir ce disque. Signalons également que Tycho Brahé et son compère casiotonique André Cheval sont en tournée pas plus tard que début mars. De quoi se laisser griser par la sensation rarissime de "coller à l’actualité", d’"être en phase avec la communauté" et autres trips, et vous dire joyeusement : "C’est bien, ça vaut le coup, c’est chouette, allez-y !".