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Télescopage purement hasardeux : ce soir-là, on enchaîne machinalement le nouvel album de Mazzy Star (« Seasons of your Day ») et le quatrième d’Emily Jane White (« Blood / Lines »). De Mazzy Star, frustrante sensation : celle de naviguer en terrain tellement familier que la magie n’opère plus, comme si Hope Sandoval et Dave Roback avaient perdu l’ensorcelante torpeur de leurs écrins musicaux. Et soudain resplendit la voix d’Emily Jane White, évinçant la déception Mazzy Star pour justement offrir ce que l’on espérait de la paire Roback / Sandoval : une atmosphère tout autant mystérieuse que parfaitement cajoleuse.

S’extirpant miraculeusement de son étiquette de Cat Power soft, Emily Jane White baigne dorénavant dans une americana à l’architecture baroque, dans un Far-West cerné de khôl tel que Nick Cave et ses Bad Seeds l’envisagèrent au moment d’enregistrer « Henry’s Dream ». Dans cet univers fantomatique, parfois très sombre, les guitares se dévoilent avec parcimonie pour mieux faire claquer chaque accord ; les synthétiseurs dessinent une ambiance religieuse, cérémonielle parfois ; la voix-berceuse d’Emily Jane White sert de guide et de contrepoint doucereux à l’ambiance spectrale de ces neuf titres hésitant entre le torve et le venimeux.

Forcément, référence inévitable, l’ombre de Polly-Jean Harvey s’incruste dans de nombreuses chansons de « Blood / Lines » (la langueur de « My Beloved » et « Thoroughbred » pourraient sortir de « To Bring You My Love »). PJ Harvey étant la plus grande chanteuse / compositrice du monde, on a tendance à sournoisement passer un coup de balai sur la moindre vocaliste féminine s’essayant aux indomptables « Dry » ou « Is This Desire ». Mais là, non. Emily Jane White partage certes de nombreuses accointances avec Polly-Jean, il ne s’agit cependant que de sensibilités ou de références communes (on imagine très bien Emily Jane White connaître en détails l’œuvre d’Emily Brontë). Sans bien sûr atteindre chaque cime gagnée par PJ Harvey, « Blood / Lines » s’impose comme suffisamment personnel et habité pour que le cousinage finisse par tourner court au grès d’écoutes attentives.

En fait, Emily Jane White donne aujourd’hui l’impression d’une artiste tellement émancipée qu’il serait injuste de parler références à son propos. Filiation serait plus juste. Car de la même façon que Neil Young reste indissociable d’Hank Marvin et R.E.M. de Big Star (sans que cela n’ait empêché ces artistes de sonner de façon unique), Emily Jane White appartient à une lignée incluant Nick Cave, Bill Callahan ou donc PJ Harvey… Une généalogie qui n’aime rien moins que secouer avec des caresses la routine de l’auditeur parfois un peu trop blasé.




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