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Une manière de rock ayant du plomb dans l’aile, tout un programme auquel le songwriter Mat Sweet, pourtant connu pour des albums aux teintes folk, s’adonne aujourd’hui avec un sens assez ahurissant de la pesanteur, du riff méchant qui coule la moindre inclinaison à la légèreté évasive… « Burnt Up on Re-Entry », disque morose, sinistre, parfait pour saccager un beau dimanche ensoleillé. Un disque idéal, donc…

Pourtant, les premières impressions laissèrent sceptique : trop volontairement claustrophobe, a priori sans porte d’entrée, clos sur lui-même et pas vraiment soucieux d’offrir une chance à nos élans masochistes, ce quatrième album de Boduf Songs faisait l’impasse, semblait-il, sur ce qui aide les disques « pesants » à outrepasser leur noirceur affichée… Il manquait à « Burnt Up on Re-Entry », durant quelques écoutes pas évidentes, certaines qualités propres aux albums blafards et sinistres squattant nos platines : la lourdeur pourtant mélodique de « Unknown Pleasures », l’aspect guérilla de « Third », la colère suicidaire de « Pornography »…

Mais « Burnt Up on Re-Entry », fatalement, est un disque qui se révèle à force d’insistance, de persévérance (ce mot qui démarre comme perversion et se termine comme déviance). Jusqu’à ce que le glauque et le sinistre ressentis finissent au second plan, simple habillage pour des compositions qui, dénudées, flanqueraient pourtant le même frisson…

En fait, Boduf Songs, quoi que sans génie, laboure ici les mêmes territoires abandonnés ou dévastés que ceux précédemment visités par Joy Division ou le Cure des débuts : un espace malveillant dans lequel il est pourtant réconfortant de venir se perdre. C’est finalement l’alchimie de la musique dark, de la vraie musique dark : on adore s’y lover car, lorsque sincérité et don de soi cohabitent, on y retrouve des émotions, des sensations qui assaillent mais qui, sans paradoxe, constituent l’état d’esprit qui permet de supporter la pesanteur du quotidien. Oui, la noirceur, en musique, s’assimile à un réconfort. Sans doute car elle rend parfaitement compte, lorsqu’elle atteint son objectif (et c’est le cas de Boduf Songs), de l’absurdité à se croire heureux. « Glad to be sad », comme le proclamait le label Melankolic à la fin des années 90…

Joy Division hier, Mendelson demain, Boduf Songs aujourd’hui… Des disques, des groupes qui n’hésitent pas à triturer la boue, le sale, les psychés en lambeaux. Des disques, des groupes qui n’aident pas à mieux vivre mais du moins à survivre. Pas mal, déjà, comme consolation…

Il y a une astuce afin de savoir si la noirceur musicale fonctionne : du disque écouté, on accepte et on aime tout (même le plus déraisonnable ou contestable). Par exemple, le jeu de guitare limité de Barney Sumner, un titre de Mendelson de 54 minutes, ou donc, aujourd’hui, les attaques quasi metal de Boduf Songs… Le dark permet tout, à condition d’y rester.




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