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En préambule de cette chronique, je voudrais faire amende honorable, car l’admiration que je porte à la production de Karl Alex Steffen est nouvelle. Je me souviens même d’une passe d’arme assez musclée sur les productions antérieures, aveuglé certainement par une attitude que je confondais avec de la prétention. Alors certes vous allez me dire que présenter « Les Traces » dans la feuille de presse avec cette phrase « Un album qui après « l’imprudence « va a coup sur ouvrir une nouvelle brèche vers les terres vierges de la chansons française » si ce n’est pas de la prétention c’est quoi ? je répondrais de l’assurance et une farouche envie d’en découdre l’arme aux poings, se mettant à poil, ne cachant rien de ses intentions.

Du coup je ne vais pas essayer de comparer « Les Traces » à tel ou tel disque, mais plutôt assurer une chronique, tardive, car si « Les Traces » est un des rares disques a être présent sur deux volumes ADA, il aura aussi le bénéfice de la chronique la plus tardive, comme si votre serviteur, à l’image d’un collégien face à un livre de Tosltoï » reculait l’heure de son explication de texte, feignant des occupations plus intéressantes. « Les Traces » est l’histoire de deux destins qui sont croisées, mis sur des rails d’une histoire dont le parcours ne pourra être modifié.

En dehors de « L’Exil » l’ensemble du disque est en français, mais ce n’est pas un hasard si l’anglais intervient à cet instant, le rock plus « pêchu » réclame cette langue. Mais sur la longueur Karl Alex Steffen veut convoquer le fantôme de Bashung, celui de « Fantaisie Militaire » et surtout de « L’imprudence », quitte à se noyer comme Dominique A avec « Tout Sera Comme Avant ». Pour cela Karl Alex Steffen a déjà un avantage, un phrasé spécial, accentué par cette écriture qui s’éloigne de la grammaire musicale pop traditionnelle. lI y a quelque chose de Jean Pierre Leaud, comme si le héros de « La Maman Et La Putain » nous contait des histoires. L’autre atout, une écriture décomplexée, qui pourrait se résumer par cette phrase qui claque« Je ne me laisserai pas déserter par l’audace ». Pour parachever l’ensemble, Karl Alex Steffen sait marier le rock bruitiste qu’il admire (écoutez bien « Près Des Berges Du Fleuve » et la maitrise de l’atmosphère) avec le romanesque, oubliant la sentimentalité dégoulinante pour écrire sur une histoire.

Après avoir remis de l’eau dans mon vin, après avoir gratter même là où cela pouvait me faire mal, j’ai fini par comprendre que sans position altière il était probablement impossible que notre travail soit pris à sa juste valeur, quand celle ci dépasse celle de la majorité. « Les Traces » n’est pas un disque difficile, il le devient quand on fini par comprendre qu’il sort de l’ordinaire, et qu’il puise dans ce qu’il y a de plus pur. On pourrait parler d’un disque fusion, je parlerais plus volontiers de fusionner avec lui pour mieux l’appréhender. Karl Alex Steffen n’a pas raison, il n’ouvre pas de brèche, mais il va laisser une trace.