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J’avoue que l’estampille " World Music " me rebute totalement et j’entrevoie plutôt en filigrane de cette appellation lapidaire un principe commercial uniformisant et réducteur que le bel étendard universaliste qu’on nous vente. Je n’ai rien contre le fait de généraliser les courants musicaux, d’englober leurs particularités sous des catégories synthétiques pour peu que cette simplification en préserve l’essentiel. Or j’ai l’impression avec l’étiquette " musique du monde " d’avoir au mieux affaire à un grand fourre-tout musical, où l’on trouverait mélangés dans un seul et même bac à disques Rachid Taha, Seu Jorge, Ibrahim Ferrer ou Cheika Rimitti, au pire à une conception discriminatoire de la musique, comme si le fado, le tropicalisme, l’afrobeat ou le gnaoua, pour ne citer qu’eux, étaient saisis comme des genres tiers. On ne pourra alors que se féliciter de la démarche activiste de quelques maisons disques courageuses qui ne cherchent pas à vendre de Grands Crus dans un emballage tetra brick et qui donnent à ces musiques l’espace nécessaire à leur éclosion. Parmi elles, No Format nous a habitué à ses choix classieux et ce n’est pas le dernier disque de Mamani Keita qui échappera à cette bonne habitude. Un album qui oscille subtilement entre traditionalisme, l’envoûtement mélodique de la musique mandingue et la touche toute discrète de modernisme véhiculée par le metteur en son et grand sorcier blanc Nicolas Repac. Ce dernier met d’ailleurs en valeur une instrumentation qui sonde principalement les racines de la musique malienne, instrumentation dominée par les cordes ensorcelantes du N’Goni, le son humide du balafon, les rythmes entêtants de la callabase, du n’tama ou du bougarabou, mais qui n’hésite pas tout au long des ses douze titres lumineux à s’accompagner du blues sobre d’une guitare électrique, d’une basse qui en arrondi gracieusement les angles et de quelques bribes d’électroniques mutines. Mais ce disque ne serait rien sans le chant singulier de Mamani Keita, sans cette voix au timbre presque irréel, haut perché dans le ciel poussiéreux de Bamako et qui touche souvent au sublime. Une voix toute en nuances et variations bigarrées, parfois languissante, tantôt percussive, qui évoque avec simplicité et justesse le désespoir social et les joies quotidiennes d’un Mali partagé entre son désir d’authenticité et sa volonté de changement. Entre compositions afro-folk, mélopées nomadiques et titres euphoriques qui invitent les esprits à endiabler les corps, Yelema déborde d’une vitalité toute contagieuse. Plein d’un humanisme sincère et d’une espérance à toute épreuve, ce disque apparaît donc comme un vénérable pied de nez à tous ceux qui voudraient enfermer ces musiques humaines et avec elles son lot de rêveries salvatrices dans un marché occidental qui ne l’est plus.




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