Comme le nouvel album de Kim Gordon. Intitulé savoureux super intriguant, non ? D’ailleurs, il est comment, le nouvel album de Kim Gordon ? Pas écouté, tant les pérégrinations arty bruitistes de la bassiste de Sonic Youth m’auront laissé - notamment le projet Body/Head - de marbre (même si, pour mon plus grand plaisir, j’avais été destinataire d’un exemplaire de l’album Coming Apart, signé de sa main et me souhaitant un bon anniversaire). Et donc, direction Grenoble, pour le nouvel opus de Laurie Morcillo (alias Biscornue Bitch), cosigné par David Litavicki (Bleu Russe) et publié par le label Moulbert Records, dont l’intégralité du catalogue est en téléchargement gratuit sur Bandcamp, la classe. Avant de monter en selle, affûtez vos oreilles, parce qu’une fois la course commencée, Biscornue Bitch ne manquera pas de vous semer en route, tant Comme le nouvel album de Kim Gordon s’avère fugace, et néanmoins rempli à ras-bord d’idées malicieuses, de vitalité et de détermination : un quart d’heure au total, soit sept compositions lo-fi compactes, pour une déflagration électro dark à base de beats poisseux, de synthés crasseux et de nappes sonores vrillées, sur lesquels Laurie pose sa voix faussement indifférente, elle chante, elle parle, elle récite Aragon (Rien), elle fait les chœurs (choupinets sur Le chanteur à la voix catastrophique). C’est avec une conviction remarquable que Biscornue Bitch infiltre ses textes cocasses, lucides et désabusés dans les interstices des instrumentaux concoctés par Bleu Russe. Ainsi, quand se termine J’ai 3 essais, ça fait un grand vide, on se demande si on a rêvé, et où notre esprit s’est carapaté, durant ce fracassant quart d’heure de pop avant-gardiste concassée. Sur une plage biscornue, on va dire, les pieds dans l’eau, à jouer au volley-ball avec Jan Ullrich et Marco Pantani, protagonistes maudits d’un Tragédie d’un tricheur qui pourrait s’adresser à l’ensemble des héros merdiques de notre bien futile contemporanéité, capables de susciter malgré tout une certaine forme de tendresse. Belle, belle et triste leçon d’humanisme.