Il y a du Savages – goût prononcé pour l’incantatoire, le théâtral et la noirceur de silicium – chez les filles de ĠENN, quatuor de Brighton formé au début des 2010s à La Valette sous l’alias Cryptic Street, qui publie sur le label Liminal Collective son premier album, Unum, dont le titre évoque l’essence commune à toutes choses. Dans un registre post-punk à la lisière du jazz expérimental et du gothabilly, Leona Farrugia (chant), Janelle Borg (guitare), Leanne Zammit (basse) et Sofia Rosa Cooper (batterie), dès Rohmeresse, comptine martiale hantée et orientalisante, donnent le ton : Unum ne s’interdira rien, ni la scansion rageuse (Days and Nights), ni les solos de guitare heavy metal (le final de Heloise) et encore moins les envolées vocales tragiques, comme sur l’impressionnant A Muse (In Limbo). Si la production s’avère homogène et épurée, certaines compositions paraissent en dedans, car curieusement teintées de lounge et d’un saxophone pas du tout rock’n roll, argh : Calypso puis Le Saut Du Pigeon peinent à convaincre, formant le cœur mou d’un opus que l’on aimerait mieux aimer. Alors certes, les affaires reprennent avec A Reprise (That Girl) puis Apparition No.7, mais il faut bien se résoudre, après un démarrage plutôt canon, l’ensemble est assez peu original et inspiré. Vague impression que le storytelling – un gang de nanas conscientes, énervées et à l’apparence underground – et le son (c’est indéniable, ça sonne) l’emportent sur un fond aux influences certes respectables mais peut-être citées à tort (Pitchfork évoque Karen O et Sue Tompkins) : à mon sens, un titre comme The Sister Of, avec ses couplets entêtants et son refrain lyrique, c’est de la variétoche emo lourdingue, et si effectivement le conclusif The Merchant Of rappelle les Yeah Yeah Yeahs, on laissera une fois encore l’indiesphere s’exciter sur un album qui est, n’en déplaise à ĠENN et ses louables intentions, au mieux anecdotique. Le train de la hype passe, et moi je reste à quai, désolé.