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Le black metal, Arnaud Le Gouëfflec – boss du label brestois L’Église de la Petite Folie et par ailleurs auteur, entre mille autres choses, d’albums hautement recommandables, à la lisière de l’expérimental, de la pop et du kraut – en a fait son miel, au point d’organiser une rencontre entre Thurston Moore et Wlad Drakksteim (Vlad Tepes), mis en scène dans le génialissime, car riche en anecdotes et propositions aventureuses, Underground, dessins de Nicolas Moog à l’appui et bientôt publié chez nos amis anglo-saxons, avec une préface signée Michael Moorcock, la très très grande classe. Moorcock, c’est Elric le nécromancien et Hawkmoon, mais également des romans bâtards, à l’instar de l’intriguant Voici L’Homme, qui narre les déboires d’un voyageur spatio-temporel, curieux de rencontrer Jésus de Nazareth et qui doit prendre sa place sur la fameuse croix, pour que perdurent les civilisations futures. Pas de bol.

C’est Florian Claude, des estimables Nuages Électroniques, qui a attiré mon attention sur le catalogue du label Transendance et, pris de curiosité pour un genre à la périphérie de mes préférences culturelles, j’ai interrogé Léa Lotz, alias Bleu Reine, dont l’œuvre - certes folk - est imprégnée de noirceur analytique et de sombres suites d’accords : sur ses conseils j’ai visionné le (mauvais, car peu contextualisé) documentaire de Noisey, Bleu Blanc Satan : Early French Black Metal, et il m’est apparu que si cette scène avait vraiment fait florès – en témoigne la riche discographie de Brouillard, alias Vertige, et une palanquée hallucinante de projets, dont J’ai Si Froid – la plupart des protagonistes semblaient à l’ouest (je dessine avec mon sang, le monde est pourri, je déteste la terre entière) ou aigris, au point d’affirmer que le vrai black métal était mort depuis longtemps, à cause d’Internet et des suiveurs. Seul Hreidmarr (Anorexia Nervosa) s’en sort, parce que posé et sensé, mais derrière les postures bravaches, on sent la solitude, la dèche, la lose, c’est un putain de poison. Être et avoir été, lucidité trafiquée ou pas, c’est compliqué.

Vertige, sans complexes, se fiche de la mort auto-proclamée des figures tutélaires, il fonce dans le tas, distorsions et rythmiques vivaces à l’appui, rend hommage et prospecte, infusant sa noirceur d’étonnants arrangements lounge (La Peur des Regrets), de guitares folk baroques et de monologues poignants – direct au cœur je suis touché, tant les textes me parlent, comme sur Les Grands Précipices, dignes de Jean Eustache, qui font passer Diabologum pour de bien espiègles trublions. La solitude, je la pratique depuis l’enfance, pas physiquement (je suis beau), mais intellectuellement (c’est pire), et là cette musique me parle. J’avais sans le savoir du black metal en moi (la saveur du néant qui infuse en nous, quelle horreur, mais comment vivre sans néant, le néant étant préférable à toute circonvolution idéologique ?). Aux Solitaires ! est un formidable viatique et une porte d’entrée avenante vers de bien sombres territoires, qu’il conviendra d’explorer sans appréhension, parce qu’au-delà du mur sonore, palpitent les tripes : « Je ne supporte plus personne, être entourée m’angoisse et m’oppresse, leurs conversations m’ennuient, je n’arrive pas à me sentir concernée, leurs présences m’étouffent. ». Idem, BB, idem.




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