Composition instrumentale, en trois mouvements sertis de violoncelle et d’arrangements électroniques à la lisière de l’abstrait, illustrant This is not a game, performance chorégraphiée par Nam Jeong-ho et filmée par Song Joo-won, dans laquelle une femme âgée évoque son tumultueux passé, Music for December 70th nous servira d’introduction à l’œuvre de la sud-coréenne Minhwi Lee, dont le Borrowed Tongue, initialement publié en 2016 et auréolé, lors des 14ème Korean Music Awards, du prix du meilleur album folk, se voit réédité cet été par le label allemand Alien Transistor (The Notwist, Le Milipede, Tenniscoats), ce qui lui permet d’atteindre, certes avec retard, nos joyeuses rives occidentales.

Dans un registre vaporeux noyé de réverbération, lèvres collées au micro, chantant avec une quiétude mélancolique et apaisante, Minhwi Lee, qui joue une bonne partie des instruments, raconte la difficulté d’exister dans la multitude, parfois murmure (Dream, quelle beauté) ou se tait, se permettant même un mini-tube shoegaze (Broken Mirror), aux guitares électriques ligne claire addictives.

Les huit titres de Borrowed Tongue passent trop vite et appellent une suite, qui n’est jamais venue, même si le violoncelle d’un The Light of Silence qui rappelle le Howard Shore de Esther Kahn, fait le lien avec les œuvres qui suivront, plus exigeantes, à l’instar de Music for Hwi​-​i​-​ing, autre chorégraphie de Song Joo-won.

Très intriguant : c’est comme si Minhwi Lee avait quitté sa voix, pour mieux résonner avec ce qui la hante. Se taire, c’est peut-être ce qu’il y a de plus difficile, dans un monde où le bavardage stérile est valorisé par les réseaux sociaux. Cela étant, espérons que la réédition de Borrowed Tongue lui offre l’opportunité de visiter nos contrées, et nous offrir quelques délicates minutes de pure beauté dans les petites salles de concerts que l’on affectionne particulièrement, où le public passionné et accueillant lui offrira l’accueil qu’elle mérite.