> Critiques > Labellisés



Au début était ce coeur à vif, blessé et pourtant impossible à briser. Le coeur-pas-tout-à-fait-brisé se mit en route à pied, montrant d’un index tyrannique de petites montagnes vers lesquelles seuls quelques bergers osent se diriger grâce à d’obscurs repères connus d’eux seuls - car ils y ont grandi. À la première écoute de ce surprenant dernier album - oui le coeur-pas-tout-à-fait-brisé compose des chansons sur son temps libre ! - qui sort chez Talitres, on reste ébranlé. Comment, en effet, glisser un soupçon de Divine Comedy sur du Will Oldham, et piétiner ce benêt de Beirut avec une telle classe ? En gueulant plus fort ?

Même pas ! Simplement en ayant une vision hyper large de ce que peut être un album, sans en avoir rien à cirer de ce que qui que ce soit pourrait penser. Cet album, c’est Achilles was a hound dog. Il peut se lire comme une carte d’état-major qui, une fois déployée, permettrait de suivre des tas de routes diverses.

Les chemins de bergers arpentés par eux seuls, Oly Ralfe nous les soumet. On suit ou on ne suit pas. Moi j’adhère parce qu’à force de trimer pour ADA, je suis devenue très sensible aux qualités de l’enregistrement (QUI a produit ça ?). La voix masculine est mise en avant, la voix féminine (Emma Faulkner) toujours en back-up et de façon habile. Elle joue le rôle d’ Écho, sinon d’ange gardien, de son guide - notre « coeur-pas-tout-à-fait-brisé » - sorte de Heathcliff perdu dans la lande de ses déboires sentimentaux. « The door is always open, the door is always open to you ».

Alors, entrons. Franchir un pont que les « Ancients  » ont construit ? Bien sûr qu’on y va, tant que notre chef apportera cette constance assurée à la marche. « Gazing at the east and the west », constant lui aussi ce petit orgue, appliqué, foutu et néanmoins implacable comme le temps qui s’est écoulé depuis que les dits anciens ont bâti le pont. Nous le passons à la suite de notre génial général, il fait encore nuit. L’ équipe foutraque embauchée pour jouer sur le dernier album de Ralfe Band n’est pas sas rappeler celle de « Let Love in » chez Nick Cave : pianos déglingués, saxo désorienté, orgue funèbre, choeurs fantomatiques, tout est bon pour recruter les troupes de l’armée pop d’Oly Ralfe.

La carte déployée sur la table du campement laisse à ce général despotique et magnétique une belle vue plongeante. Il y indique les endroits où nous devrons nous poster afin de bénéficier de l’écoute optimale d’ Achilles was a hound dog. Notre général erre parfois vers le Nord (« More than enough ») dérive au Sud, il est « lac caché », « chemin obscur », « cormoran » et « requin », cependant il est notre seul guide. Il nous faudra obéir à ses choix stylistiques, apprendre à réussir nos garde-à-vous, puis à suivre cet itinéraire (une-deux, une-deux) dont nous n’avions reçu que de vagues aperçus chez Luke Haines (The Auteurs), chez Baxter Dury, mais sur la FM. 

Or Oly Ralfe c’est pas du toc : a-t-on les moyens de s’offrir un si beau tableau ? Sans doute devra-t-on tomber l’armure et jouer les Arsène Lupin, réussir à s’introduire de nuit dans la National Gallery - car c’est une oeuvre de maître et quelque chose me dit que cet album rend un tantinet possessif celle ou celui qui réussira à le planquer dans le double-fond de sa discothèque !

Guitares folk et choeurs hippie, on était tout en haut du Mont Olympe et puis soudain « blam blam » (quelqu’un tape très fort sur un bidon ?), boum on dégringole dans le caniveau. Tout cela s’épouse comme certaines branches se rencontrent pour devenir enchevêtrement de lianes. Les montagnes, les montagnes, les chemins de montagne qui deviennent sentiers puis brousse, les chansons défilent… « Howl » « More than enough » « Octobermen », « Pale Fire »… Il va falloir jouer du sabre et couper dans les broussailles pour trouver refuge au sein de « A Thousand miles away », ultime titre qui nous laisse, oui, à un millier de miles de notre quotidien.

On ne sera pas obligé de rester tout seul à grelotter dans l’implacable et tyrannique froid de la montagne, car « all the answers were written long ago in a book that was buried in the snow ». Notre général est là qui veille près du feu de camp, compulsant le livre en question : serait-ce le livret d’ Achilles was a hound dog ? Nul ne peut douter du courage musical de notre coeur-pas-tout-à-fait-brisé, de notre ground hero Oly Ralfe.




 autres albums


 interviews


aucune interview pour cet artiste.

 spéciales


aucune spéciale pour cet artiste.