Le label berlinois Keplar (Arovane, Donnacha Costello, Marsen Jules) poursuit son remarquable travail de rééditions d’albums électroniques marquants parus aux alentours des - très riches en la matière – 2000s, avec le classique Whistlebower de Vladislav Delay, qui est un des nombreux hétéronymes (on pense à la malle pleine de chapeaux du regretté Antonio Tabucchi, évoquant Fernando Pessoa et ses kaléidoscopiques avatars) du compositeur finlandais Sasu Ripatti, connu sous les alias de Luomo, Sistol, Uusitalo, Conoco et Ripatti, et collaborateur du Moritz von Oswald Trio, où il fut remplacé à la batterie par Tony Allen, rien que ça.

Dans le cadre de la réédition de Whistleblower, initialement publié en 2007 par le label Huume, Sasu Ripatti nous offre la relecture d’un album enregistré à l’époque dans la douleur, le Finlandais éprouvant des difficultés à aborder un nouveau chapitre de son existence, avec (notamment) la naissance à venir de sa fille. Il lui a fallu tenir à distance les tentations offertes par une ville de Berlin en pleine effervescence et remettre en question à la fois son mode de vie et son rapport à la production, puisqu’il travaillait encore sur du matériel analogique. D’une certaine manière, Whistleblower représente un rite de passage pour Vladislav Delay, au patronyme cocasse quand on connaît l’historique douloureux des relations entre la Finlande et la Russie.

En ressortent sept instrumentaux à la fois complexes et lumineux, zébrés de sonorités abrasives, entre ambiant, glitch et techno minimaliste, sur fond de nappes planantes et de rythmiques concassées : à l’instar d’un Charles Marlow qui dérive au cœur des ténèbres jusqu’à la rencontre avec sa Némésis morale – l’inquiétant Kurtz, Vladislav Delay remonte le fleuve de son existence pour questionner sa relation au monde et nous offrir, à travers cette réécriture d’orfèvre, un passionnant voyage intérieur.