Avec son premier album, Sioul (Jules Monnier), nous a fait passer un mauvais week-end. Habitant à la campagne, j’ai demandé à la mairie de mon village s’il y avait un défibrillateur dans un rayon de cinq kilomètres autour de ma maison, craignant que mon palpitant ne puisse supporter l’écoute de Drops.

Non pas que le disque soit mauvais, car quand c’est le cas, ce sont mes fenêtres que je préserve de peur de voir un disque les fracturer. C’est justement parce qu’il remue beaucoup de choses, que Drops est à mettre avec précaution pour les oreilles des fans de cold-wave, des apôtres d’une musique qui nous a fait danser sur un sol recouvert de morts pour certains, d’espoir déçu pour d’autres, d’envie de creuser un sillon pour mieux se protéger du reste pour une majorité.

Jeune auteur compositeur de 22 ans, Sioul n’a pas l’âge de signer des chansons comme celles de Drops (il faut avoir traversé des vies pour écrire Pièces.). Le disque est empreint d’une gravité qui n’a d’égale que le regard de Jules Monnier, jeune tourangeau au charisme presque christique, se baignant dans une cold wave, nageant parfois à contre-courant pour mieux tenir en lui la sensation de l’effort, ne feignant jamais l’effacement, préférant tomber pour avoir l’occasion de se relever. Mélancolique et dansant (Anywhere Out of the World et sa liaison avec New Order), le disque ausculte la carte topographique d’une vie, préférant disséquer les failles béantes que les sommets froids de la réussite et de la grandeur. Porté par des boîtes à rythmes et des lignes de basses répétitives, Sioul trouve la texture qui sied le mieux à cette voix qui sait se faire grave, mais qui semble continuellement là en lutte contre le pouvoir d’une poussée lacrymal, évitant le larmoyant pour une plongée dans les méandres d’une âme contrariée. L’album d’un jeune homme pressé qui ici fige le temps sous une pluie glaciale. Épatant.