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Le rock est une formidable recyclerie, création de mirages à l’appui. L’on se s’étonnera guère de la micro-sensation que fut le passage de A.A. Williams au Hellfest l’été dernier : sous une forme certes moins clinquante, Evanescence se réincarnait dans les traits d’une jeune londonienne férue de violons et de Deftones, défendant un deuxième album midtempo porté sur les grosses ballades au schéma éprouvé – alternance de couplets calmes et d’énormes refrains lyriques sur fond de guitares électriques, et tant pis si les mélodies – malgré une voix parfois rauque plutôt sensuelle – sont peu inspirées, voire poussives : en plein cagnard, avec une bière à la main, même un slow à l’emphase en toc comme « Golden », ça passe tout seul.

Dans « As The Moon Rests », bien que trop long, tout n’est pas à jeter - « Pristine » a de la gueule, on comprend pourquoi Mono et Russian Circles se sont entichés d’A.A. Williams, au point de l’emmener en tournée. Il y a du Kristin Hersch dans « Shallow Water » et la dame en noir semble avoir du goût, en témoigne « Songs From Isolation », recueil de reprises publié l’année dernière, incluant des titres des Pixies, Nick Cave, Nine Inch Nails, The Smashing Pumpkins et Radiohead – le mainstream de l’underground, on va dire, pas non plus de quoi s’acheter une crédibilité.

Car oui, quelque chose sonne faux dans ce projet qui se veut post-rock (« For Nothing », largué par son final emo symphonique) et gothique (le look d’A.A. Williams, rien d’autre) mais n’a rien de post-rock (jouer lentement et longtemps ne suffit pas) ni de gothique (sauf pour le chroniqueur paresseux qui, émoustillé par une énième jolie bouille de corbeau, évoquera Siouxsie Sioux), la faute à une production pachydermique et des guitares électriques trop propres, doublées de nappes de violons si dégueulasses qu’on les croirait synthétiques : foutu metal emocore ricain des 2000s, qui a vidé le rock de sa substance réfractaire et pourri le cerveau de toute une génération, pour en faire un produit de consommation courante, avec – remplaçant la bonne vieille adrénaline rageuse – le bruit et la posture en guise d’appâts. Cet été, la fosse du Hellfest était pleine de gentils petits poissons bourrés, il eut été dommage de ne pas en profiter.




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