Voilà une belle surprise ! Bonnie Prince Billy, notre baroudeur et collectionneur de collaborations fructueuses nous revient seul dans le plus simple appareil : guitare-voix.
Non content de limiter l’expérience à la seule musique, il choisit au passage un autre chemin de production.
Et bien ça fait plaisir de retrouver notre compagnon comme à l’époque de Palace (Days in the wake) ou à ses ambiances "Master and Everyone". D’ailleurs il est bien inspiré, comme s’il avait ressenti le besoin soudain (l’album n’a prévenu personne) d’un retour au naturel. C’est marrant, on peut s’imaginer en 94, avant le "phénomène" si je puis dire. Un Will Oldham encore fredonnant, encore en devenir. Comme s’il faisait table rase de lui-même, il nous propose un disque de perron, sobrement intitulé "Self titled". La production est minimale, naturelle, comme une prise par surprise. Il faut le dire, BPB n’est jamais aussi émouvant que lorsqu’il chante pour lui-même. Faisant fi de sa "légende" il nous fait le coup "mon nom est personne". Peut être une façon d’enlever la pression des attentes, de retrouver le contact avec ce songwriting naturel et simple. Je chante donc je suis.
"Triumph of Will" serait-il un titre ambigu ? Bah à ce moment-là on s’en fout en fait, on retrouve juste ce génial compteur qui, à l’instar de Jason Molina, n’a besoin que de quelques brins de paille pour allumer un feu de joie dans nos cœurs. Car encore une fois comme l’autre, s’il y a une chose qui marque c’est l’absence de surfait, l’honnêteté ou devrais-je dire l’authenticité, sans besoin de faire des chichis vintage. Will ne cherche rien d’autre que de faire ce qui lui plaît, ce pour quoi on l’aime soit des chansons folk bourrées d’émotions multiples. "The spotled pig" en est un bon exemple, avec sa fin quasi bâclée. D’ailleurs les fins avec 10 sec de blanc disent une chose : il n’a pas voulu se faire chier à monter quoique ce soit. C’est dans la boîte et hop on grave. L’habillage n’a plus d’importance, de toute façon "I will be born again" irradie par sa beauté et tristesse pures tout comme "I heard of a source". Revenir à l’essentiel raccourcit beaucoup, et les chansons oscillent entre 2 et 3mn, le disque atteint la demi heure. Le genre que j’adore pour la bagnole.
Ce que j’aime aussi, c’est que malgré ce vœu de simplicité Bonnie Prince Billy soigne toujours ses mélodies. Tout fait sens dans un ensemble pertinent, je prends "Bad man" pour témoin. Et puis bien sûr il y a cette voix aux inflexions si particulières, qui fait merveille (ah le chant sur "Lessons from Stony"...). C’est comme avec Neil Young, on retrouve cette voix comme on retrouve un ami. Le reste peut changer, les habits, tout, mais son visage vocal est là pour dire "hey l’ami, c’est moi". Et même si toute bonne chose a une fin, quand c’est avec "Ending it all" ça met du baume au cœur.
Il a en plus poussé le côté participatif à un niveau autre. Vous voulez le disque ? Allez convaincre votre disquaire de le commander alors. Pour le commander individuellement il faudra attendre. Peu de chances qu’il finisse sur les gros marketplace avant qu’il n’en finisse en occase. Et sinon faudra aller le voir en concert pour en avoir, alors tant qu’à se faire plaisir !!!
Finalement, le pas franchi est celui d’artiste à artisan, vision de l’œuvre prise dans son ensemble. Oui beaucoup le font, mais c’est rare que quelqu’un fasse le chemin inverse sur cette autoroute d’espoirs déchus par les gros distributeurs et le marché aux poissons qu’est l’industrie du disque.